Une prépa médecine gratuite pour plus d'égalité des chances dans le 93
Dounia et Yassine, 20 ans, viennent de commencer des études de médecine, un rêve devenu possible grâce à une classe préparatoire "santé" unique et gratuite, proposée depuis un an par l'université Paris-XIII à Bobigny, en Seine-Saint-Denis.© 2014 AFP
Dounia et Yassine, 20 ans, viennent de commencer des études de médecine, un rêve devenu possible grâce à une classe préparatoire «santé» unique et gratuite, proposée depuis un an par l'université Paris-XIII à Bobigny, en Seine-Saint-Denis.
«Je suis arrivé 205e sur 1.200 au concours intermédiaire, c'est pas mal mais il faut que je sois meilleur pour devenir généraliste», explique Yassine, qui vient d'obtenir son classement pour le premier semestre. Dounia, elle, a été classée 366e mais serait «dans les 900 sans les cours de préparation».
Pour préparer leur entrée en première année, tous deux avaient rejoint à la rentrée 2012 la «prépa santé» sélective de Bobigny, ouverte en priorité aux bacheliers du département.
Initiative unique en France, cette formation coûte 400 euros de frais d'inscription, tandis qu'une session équivalente dans un organisme privé coûte entre 6.000 et 9.000 euros, une somme difficile à débourser pour beaucoup de familles du département parmi les plus pauvres du pays.
Sorte d'année zéro, la «prépa santé» de l'université Paris-XIII propose 500 heures de formation, avec des cours de biologie cellulaire et d'anatomie, en commun notamment avec des étudiants en licence de science de la vie.
Après un bac scientifique à Chelles, en Seine-et-Marne, et une année de décrochage scolaire pour Yassine et un bac technologique à Bondy (Seine-Saint-Denis) pour Dounia, le pari était loin d'être gagné.
A Bobigny, ils ont pourtant chacun validé leur année de prépa et intégré par la suite la fameuse Première année commune aux études de santé (PACES), sésame pour accéder aux carrières de médecine, pharmacie et dentaire.
«Les étudiants arrivent chez nous avec de vraies difficultés, donc on insiste beaucoup sur la méthodologie, avec 70% des enseignements effectués en petit groupe», explique à l'AFP Brigitte Martin-Pont, responsable de la formation.
Des travaux dirigés et des évaluations régulières permettent aux étudiants de voir où ils en sont et de prendre progressivement confiance en eux.
Désertification médicale
La transition vers l'enseignement supérieur, généralement difficile, peut l'être davantage lorsque l'étudiant «fait partie de la première génération de sa famille à accéder à l'université», comme souvent dans le département, remarque Jean-Luc Dumas, directeur de l'UFR de Santé, médecine et biologie humaine et doyen de l'université Paris-XIII.
Cette année, la deuxième promotion compte 25 étudiants, pour la plupart issus de bac S et ES (économique et social), dont Mbuyi, 18 ans, qui a décidé de se reprendre en main après un bac scientifique obtenu au rattrapage.
«Au lycée de la Courneuve où j'étais, je me suis laissée pas mal influencer» et «l'ambiance de travail en cours était mauvaise, ça a beaucoup nui à mon apprentissage», déclare l'étudiante, qui reconnaît également un «manque de travail».
Après quatre mois passés dans cette prépa à Bobigny, elle apprécie cette formation sur mesure et surtout l'accompagnement de «profs aux petits soins».
Ce dispositif ne convient toutefois pas à tous les inscrits, entre ceux qui décrochent, déjà cinq cette année, et ceux qui finalement ratent la validation de l'année, soit la moitié des 15 inscrits l'an dernier.
Seule prépa de France publique, la «prépa santé» de Bobigny compte sur le soutien financier du conseil général de Seine-Saint-Denis, avec une subvention annuelle de 50.000 euros.
Selon le président PS du conseil général Stéphane Troussel, elle permet de «rétablir un peu de justice pour ces jeunes» et «renforcer l'égalité» entre les territoires.
En plus de diversifier le recrutement des médecins, cette expérience permet selon lui de «lutter contre la désertification médicale du département» en favorisant la réussite et l'insertion d'étudiants locaux.
En moyenne, un étudiant en médecine sur deux de Paris-XIII s'installe en Seine-Saint-Denis.