JUSTICEMères voilées en sortie scolaire: Le Conseil d'État doit se prononcer

Mères voilées en sortie scolaire: Le Conseil d'État doit se prononcer

JUSTICEQuelle que soit la décision, elle devrait faire polémique...
20 Minutes avec AFP

20 Minutes avec AFP

Le Conseil d’État devrait rendre un avis en début de semaine sur l'interdiction faite aux mères voilées d'accompagner leurs enfants lors de sorties scolaires, a-t-on appris de sources concordantes.

Les conseillers d’État ont débattu de cette question jeudi soir et devraient rédiger rapidement leur avis, selon ces sources. La haute autorité avait été saisie de plusieurs questions touchant à la laïcité et à la liberté d'expression religieuse en septembre par le Défenseur des droits Dominique Baudis, qui regrette de nombreuses «zones d'ombre» sur ces questions.

Il souhaite obtenir les «clarifications nécessaires», notamment concernant «les collaborateurs bénévoles ou occasionnels du service public», comme ces mères voilées. Une circulaire de l'ancien ministre de l’Éducation Luc Châtel, datant de 2011, demande à ce que les mères d'élèves accompagnant les sorties scolaires ne portent pas de signes religieux ostentatoires. Mais le Défenseur constate que «sur le terrain», les «dispositions prises varient d'un établissement à l'autre».

Des auxiliaires de service public?

Quel que soit l'avis du Conseil d’État sur cette question, le gouvernement pourra ensuite choisir de le suivre ou non. L'actuel ministre de l’Éducation Vincent Peillon, interrogé la semaine dernière à ce sujet, a affirmé qu'il suivait «l'état du droit».

«L'état du droit aujourd'hui - et je n'ai pas abrogé la circulaire Chatel - c'est que les parents accompagnateurs, essentiellement les mères en l'occurrence, sont considérés comme des auxiliaires du service public. S'il y a des évolutions de notre droit, nous verrons», avait-il déclaré mardi. «S'il s'avérait - puisque le Défenseur des droits Dominique Baudis a saisi le Conseil d’État- que le Conseil d’État disait autre chose, nous tous, nous aurions à réfléchir aux modalités», a-t-il poursuivi.

Dimanche, Najat Vallaud-Belkacem a affirmé que le gouvernement serait «scrupuleux à garantir la sanctuarisation de l'école de toutes influences politiques, religieuses, de tout prosélytisme».

«Excès regrettables»

«Tout ce qui pourra nous sembler relever du prosélytisme religieux, y compris venant de personnes qui ne sont pas agents du service public, nous le combattrons», a appuyé la porte-parole du gouvernement, soulignant qu«il examinerait «avec attention» l'avis du Conseil d’État.

Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a été vivement critiqué la semaine dernière, après la publication sur le site de Matignon de rapports sur l'intégration, dont certains prônent de revenir sur l'interdiction des signes religieux à l'école inscrite dans la loi depuis 2004.

Le cardinal-archevêque de Paris Mgr André Vingt-Trois, interrogé samedi sur les mères voilées en sorties scolaires, s'est demandé «si la République doit décider de la manière de s'habiller» des uns et des autres, affirmant craindre que «la peur de l'autre» n'aboutisse «à une société de l'interdit en France». «Est-ce que l'on peut interdire à des parents d'exercer leurs responsabilités, sous prétexte qu'ils portent ou non un foulard? Il y a eu des excès regrettables qui font que des instituteurs ont renoncé à faire des sorties scolaires», a-t-il regretté.

Une laïcité spéciale islam?

Comme plusieurs observateurs de ces questions, le chercheur au CNRS Franck Frégosi s'inquiète «qu'un certain nombre d'éléments récents sont perçus comme visant quasi exclusivement les musulmans, même si la teneur du discours de la majorité politique prend moins l'islam pour cible aujourd'hui».

Jean Baubérot, sociologue des religions et de la laïcité, s'inquiète aussi qu'on mette «la laïcité à toutes les sauces». Sur l'interdiction aux «mamans portant le foulard d'accompagner les sorties scolaires», il s'interroge: «Comment prétendre aider l'intégration, alors qu'on refuserait à ces femmes leur place dans la cité?».

Pour lui, «on est en train de faire une nouvelle laïcité qui est plus dure pour l'islam que pour les autres religions, alors que normalement, dans la Constitution, toutes les religions, toutes les races doivent être traitées à égalité».

La loi de séparation des Églises et de l’État de 1905 n'édicte aucun interdit vestimentaire dans l'espace public.