La réforme des retraites, pour qui, comment, à quel prix?
La réforme des retraites qui doit en principe être définitivement adoptée mercredi à l'Assemblée, est finalement parvenue à éviter l'écueil de la contestation sociale. A quel prix? Parviendra-t-elle à résoudre la question du financement ?© 2013 AFP
La réforme des retraites qui doit en principe être définitivement adoptée mercredi à l'Assemblée, est finalement parvenue à éviter l'écueil de la contestation sociale. A quel prix? Parviendra-t-elle à résoudre la question du financement ?
QUESTION: Faudra-t-il travailler plus longtemps?
REPONSE: Oui, mais pas tout de suite.
L'allongement de la durée de cotisation prévu par la réforme pour toucher une retraite à taux plein sera progressif, d'un trimestre tous les trois ans à partir de la génération 1958: au final la génération 1973 et les suivantes devront cotiser 43 ans pour pouvoir partir à la retraite, soit à partir de 2035.
L'âge légal de départ reste fixé à 62 ans et l'âge pour bénéficier d'une retraite à taux plein quelle que soit la durée de cotisation demeure à 67 ans. Mais l'allongement de la durée de cotisation revient à repousser l'âge effectif de départ - celui auquel on part vraiment à la retraite, à différencier de l'âge légal - puisqu'il faudra cotiser plus longtemps et donc travailler plus longtemps.
Q: Qui va contribuer au financement?
R: Tout le monde. Les salariés, dont le taux de cotisation vieillesse va augmenter dès le 1er janvier, de 0,15 point puis de 0,05 point par an jusqu'en 2017, soit 54 euros par an pour un Smicard.
Les entreprises ensuite: leurs cotisations vieillesse vont progresser au même rythme. Toutefois, leur participation sera intégralement compensée par une diminution des cotisations familiales, comme s'y est engagé le gouvernement. Elles devraient par ailleurs contribuer au financement du compte pénibilité créé par la réforme mais les conditions restent à préciser.
Les retraités enfin, dont les pensions seront revalorisées au 1er octobre, contre le 1er avril habituellement. Ce gel de six mois en 2014 ne concerne pas les plus modestes, bénéficiaires du minimum vieillesse qui auront une double revalorisation, au 1er avril et au 1er octobre. De plus, l'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé est augmentée (+50 euros) pour les retraites inférieures à 967 euros. Enfin, les majorations de pension des retraités ayant eu trois enfants ou plus seront soumises à l'impôt.
Q: Les fonctionnaires et les régimes spéciaux seront-ils épargnés?
R: Non. Si le gouvernement a pris soin de ne prendre aucune mesure spécifique pour eux, ils contribueront comme tout le monde puisque leur durée de cotisation sera progressivement alignée sur celle du privé, de même que leur taux de cotisation vieillesse, avec un décalage.
Le report de la revalorisation des pensions concernera également les retraités de la Fonction publique et des régimes spéciaux.
Q: Que prévoit la réforme pour les métiers pénibles?
R: Elle instaure un compte pénibilité, à partir du 1er janvier 2015: tout salarié ayant été exposé à l'un des dix critères de pénibilité (bruit, travail de nuit, etc.) pourra cumuler des points en fonction du temps passé dans cette situation. Ces points pourront ensuite être transformés pour lui permettre de se reconvertir, de travailler à temps partiel ou de partir plus tôt à la retraite.
Q: Comment le gouvernement a-t-il fait passer la réforme?
R: Les réactions de la rue ont été plutôt modestes, loin des mobilisations de 2003 et 2010.
Il faut dire que le gouvernement avait pris soin de déminer le terrain dès le printemps en lançant des pistes polémiques, notamment à travers le rapport Moreau, pour finalement les écarter, tout en s'assurant l'adhésion de la CFDT.
L'exécutif a aussi insisté sur le caractère «juste» de la réforme, mettant en avant le compte pénibilité et ses gestes envers les petites pensions.
Q: La réforme va-t-elle résoudre le problème du financement des retraites?
R: Ce n'est pas certain. Toutes les mesures rapportent environ 7 milliards en 2020, permettant de combler le déficit du régime général. Mais tous régimes confondus, le déficit s'élèvera à 20 milliards, selon le Conseil d'orientation des retraites (COR).
L'allongement de la durée de cotisation rapportera 2,7 milliards, mais seulement en 2030.
Enfin, les prévisions du COR, sur lesquelles se basent la réforme, sont très optimistes au regard du contexte économique actuel, notamment avec un taux de chômage estimé entre 4,5% et 7% à terme, alors que celui-ci peine à descendre en dessous de 10,5% actuellement.