Vélo en ville: «Avant c’était plus simple, il y avait les marcheurs et les voitures»
•TRANSPORTS – Dangereux, non-respectueux du code de la route, les cyclistes sont souvent montrés du doigt. A tort ou a raison?...Mathieu Gruel
«Et les scooters, ils ne font jamais n’importe quoi?» Voilà un sujet qui hérisse. Les cyclistes auraient-ils à ce point la tête dans le guidon qu’ils en deviendraient des dangers publics? Un genre de horde sans foi ni loi, roulant sur les trottoirs, grillant les feux… «Oui, c’est quelque chose qu’on entend régulièrement», remarque Kiki Lambert, de l’association pour un Meilleur déplacement à bicyclette (MDB). Et «c’est assez énervant, surtout quand on sait que le vélo reste le moyen de transport le plus sûr», estime-t-elle.
Car «l’accidentologie des cyclistes reste faible à Paris», confirme Laure Condomines, conseillère technique du préfet de police pour la sécurité routière. Ainsi en 2012 dans la capitale, «sur les 8.000 victimes d’accidents de la route, 629 étaient des usagers de la bicyclette». Soit 578 blessés légers, 46 blessés graves et 5 tués. Un nombre «très faible» et constant, «qui oscille en règle générale entre 0 et 6 tués par an», ajoute la conseillère.
Une situation qui contraste avec Londres, où cinq cyclistes sont morts entre le 5 et le 14 novembre. Ce qui porte à treize le nombre de victimes sur l'année, alors qu’en 2013 à Paris, un seul accident mortel a été recensé pour l’instant. Et cela alors que la communauté d'usagers de la petite reine a changé de braquet. Le nombre de déplacements à vélo à en effet doublé depuis 2002, pour atteindre 650.000 déplacements quotidiens en 2012.
Sentiment d’insécurité
Mieux, à Paris, «seuls 5% des accidents dans lesquels un piéton a été blessé impliquent un cycliste», détaille Laure Condomines. Quant aux problèmes entre véhicules légers et piétons, ils représentent ainsi 19,4% des conflits entre usagers en milieu urbain en 2012 en Île-de-France (*), alors que 33,3% de ces conflits mettent aux prises des véhicules légers et des deux-roues motorisés.
Ainsi en 2012, ce sont les piétons qui payaient le plus lourd tribut à Paris avec 18 morts, devant les usagers de deux-roues motorisés (15 victimes). Malgré ces chiffres plutôt favorables au vélo, «il y a un vrai sentiment d’insécurité qui peut être ressenti», explique la conseillère du préfet de police. «Et j’aimerais beaucoup savoir d’où ça vient», s’interroge de son côté Kiki Lambert.
En fait, on assiste à «quelque chose d’étrange», estime le sociologue Bruno Marzloff, spécialiste des questions de mobilité et directeur du groupe Chronos. «Avant c’était simple, il y avait les marcheurs et les voitures». Or maintenant, «l’évolution n’est pas toujours très claire pour ceux qui pratiquent cet espace public». En cause, les aménagements, «encore insuffisants», malgré «une volonté des autorités de favoriser ce mode de transport», rappelle le sociologue.
Encourager la coexistence
Du coup, «le vélo s’affranchit des règles et on peut le comprendre», estime le sociologue. Ne représentant pas un véritable danger et souffrant parfois d’aménagements trop insuffisants, les cyclistes peuvent «adopter des conduites erratiques. Un peu comme une sorte de chorégraphie qui se serait mise en place naturellement», estime Bruno Marzloff.
Alors, s’il peut y avoir «des problèmes d’incivilité, que l’on n’ignore pas», reconnaît-on du côté de la Mairie, on assure que «tout est fait pour assurer la sécurité». Pour cela, «notion de partage de la route et prévention» sont importantes, détaille-t-on à la Préfecture de police, qui n’oublie pas de «verbaliser, quand c’est nécessaire». Car les cyclistes ont «des droits et des obligations», rappelle Laure Condomines. Exactement comme tous les autres usagers de la rue et de la route. Mais en attendant l’entente cordiale, «il y a un impératif à pacifier ces relations et encourager la coexistence», tranche Bruno Marzloff.
*Chiffres pour l’Ile-de-France, tirés du bilan 2012 de la Direction régionale et interdépartementale de l’équipement et de l’aménagement.