«Un des charmes de la relation grands-parents/petits-enfants, c’est qu’elle maintient dans le monde des jeunes»
INTERVIEW – Le sociologue François de Singly est l’invité du colloque organisé ce mardi sur le rôle des grands-parents...Propos recueillis par Maud Pierron
Ce mardi, le ministère aux Personnes âgées et à l'autonomie et l'Ecole des grands-parents européens organisent un colloque sur le rôle des grands-parents, afin de mieux en cerner les enjeux. «Le rôle des grands-parents est majeur mais la prise de conscience n’est pas à la hauteur», explique-t-on au cabinet de Michèle Delaunay, la ministre déléguée aux Personnes âgées et à l'Autonomie. Le sociologue François de Singly, professeur de sociologie à l'Université Paris Descartes, livre quelques pistes à 20 Minutes.
Entre grands-parents et petits-enfants, l’essentiel, c’est la transmission?
C’est en tout cas la représentation traditionnelle de cette relation. Mais cette représentation ne colle pas à la réalité car la transmission verticale n’est qu’un élément de cette relation. Car ni les enfants ni les grands-parents ne souhaitent être cantonnés dans la transmission, qui les ancre dans le monde de la vieillesse. Un des charmes de cette relation, pour les grands-parents, c’est qu’elle les maintient dans le monde des jeunes, car elle nécessite de s’adapter. Et dans une société qui favorise le fait de rajeunir, les plus âgés ont autant à apprendre des jeunes que les jeunes ont à apprendre d'eux.
Comment définir cette relation?
Pour les grands-parents, c'est important de savoir comment vit la société actuelle. Pour les petits-enfants, c’est important d’apprendre à vivre inter-générationnellement. C’est l’apprentissage du temps commun dans la vie sociale. C'est central dans la famille et dans la société. Etablir une bonne relation demande du travail aux grands-parents, il faut trouver des points communs, où tout le monde se retrouve. On peut résumer cette relation par les repas. Il y a le repas de famille guindé, où l’enfant apprend des grands-parents les rites, c’est la transmission. Il y a le repas au fast-food, où tout est inversé, quand l’enfant apprend à son grand-père comment manger, c’est l’adaptabilité. Enfin, il y a le repas à la bonne franquette, où chacun choisit un peu ses plats, c’est être ensemble, le partage.
Aujourd’hui, les grands-parents sont très sollicités par leurs enfants pour les baby-sitting ou les vacances, c’est positif?
Un bon parent aujourd’hui veut être parent, mais pas que, ils veulent avoir leur monde aussi. Donc, ils sollicitent les grands-parents. Mais les grands-parents ne veulent pas non plus être que des grands-parents. C'est pour cela qu’il y a parfois des tensions, que des grands-parents refusent un baby-sitting car c’est l’heure du cours de gym. Ce n’est pas de l’égoïsme, c’est qu’une personne âgée ne peut pas être grand-parent à 100%, même si c’est la représentation traditionnelle que l’on en a.
Ça parait évident, mais les grands-parents ont le droit d’être des personnes. Comme les femmes, dont la vie était auparavant tournée «au service de», leur rôle a évolué. Aujourd’hui, une mère qui travaille n’est pas une mauvaise mère. Merci aux trente ans de lutte! C'est pareil pour les grands-parents. Ce n'est pas parce qu’un grand-parent voit moins son petit-enfant que la relation est moins bonne. Une bonne relation, c'est lorsque les deux se respectent. J'encourage les grands-parents à être autre chose que grands parents, à avoir d’autres activités pour être dans la société.