Christiane Taubira: icône d'une gauche assumée, cible d'attaques racistes

Christiane Taubira: icône d'une gauche assumée, cible d'attaques racistes

Femme, noire, fort caractère, franc-parler, convictions affirmées… ...
© 2013 AFP

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Femme, noire, fort caractère, franc-parler, convictions affirmées… Christiane Taubira a attiré sur sa personne le déchaînement de la droite et des dérapages racistes après avoir porté des lois emblématiques et controversées, en particulier sur e mariage homosexuel.

La protection de la ministre de la Justice Christiane Taubira a été renforcée «ces derniers jours», après la vague d'attaques racistes dont elle a fait l'objet, a-t-on appris samedi de source proche du dossier.

Trois gardes du corps supplémentaires ont été affectés à la protection de la garde des Sceaux, qui a reçu des lettres d'injures et des menaces, a-t-on précisé .

«J'encaisse le choc, mais c'est violent pour mes enfants, pour mes proches...» Commentant mercredi soir au journal de France 2 la Une de l'hebdomadaire d'extrême droite Minute qui la comparait à un singe, Mme Taubira, 61 ans, a martelé sa détermination à se battre pour ses valeurs, face à ceux qui «prétendent (l') expulser de la famille humaine».

L'attaque venait après celles d'une ex-candidate Front national aux municipales et d'une fillette, faisant partie d'un groupe opposé au mariage gay, qui avaient déjà comparé la garde des Sceaux à une guenon.

«Au-delà de sa personne, de sa couleur de peau, d'être une femme, elle a été attaquée par la droite et l'ultradroite parce qu'elle a porté deux lois qui, pour certains nationalistes, sont considérées comme antifrançaises: celle sur le mariage pour tous, parce qu'elle a ouvert la citoyenneté pleine et entière aux homos, et celle de 2001 sur l'esclavage assimilée à de la repentance», analyse l'historien Pascal Blanchard.

Mais les attaques ont fait s'élever de voix qui, au delà des clivages partisans, ont soutenu la ministre. Ce dont elle s'est réjouie.

La réforme pénale, avec la suppression des peines plancher et l'instauration d'une peine de probation, a également focalisé sur elle les critiques pour un supposé «laxisme» et «angélisme».

Dès son entrée au gouvernement Ayrault, cet électron libre, marqué à gauche, proche de Martine Aubry et de Cécile Duflot, a suscité des réactions d'hostilité de la droite, qui en a fait l'une de ses cibles principales.

Accueillie par le «quand on vote FN, on a la gauche qui passe (…) et on a Taubira» de Jean-François Copé, son arrivée a donné lieu par la suite à des propos plus ambigus, comme ceux du député UMP Jean-Paul Garraud, déclarant que «la composition du gouvernement lui donn(ait) mal à la France».

L'opposition la raille lorsqu'un détenu profite d'un tournoi de basket, auquel elle consacre sa première sortie de ministre, pour s'évader. Les attaques se déchaînent lorsqu'elle annonce son intention de supprimer les tribunaux correctionnels pour mineurs instaurés par Nicolas Sarkozy.

Régulièrement huée lors des questions au gouvernement à l'Assemblée, cette petite femme énergique, aux cheveux tirés en arrière et tressés, portant souvent des vestes aux couleurs vives, réplique, rend coup pour coup, sans jamais se démonter.

«Un symbole fort»

Lors de la discussion sur le mariage homosexuel, dont elle défend le texte avec lyrisme, citant René Char, les critiques débordent l'hémicycle pour gagner la rue où des manifestants opposés à la loi la conspuent.

«On frappe un symbole fort de la réussite, un exemple pour de nombreux Noirs», a réagi auprès de l'AFP Kenneth Freliho, avocat du Conseil représentatif des associations noires (Cran).

«Femme, noire, pauvre, quel fabuleux capital! Tous les défis à relever», proclamait crânement Christiane Taubira dans son livre «Mes Météores», publié l'an dernier.

Après une longue carrière politique locale et nationale qui l'a notamment conduite à se présenter à la présidentielle en 2002 sous les couleurs du Parti radical de gauche (PRG, 2,32% des suffrages), la ministre de la Justice a le cuir épais.

Ex-député de Guyane dont elle est originaire, passionaria de l'Outre-mer où elle défendit dans sa jeunesse des thèses indépendantistes, Christiane Taubira, licenciée en sociologie et certifiée d'études supérieures d'ethnologie afro-américaine, est aussi un porte-drapeau pour la communauté noire.

Son nom restera à jamais associé au texte de loi qui reconnaît la traite et l'esclavage comme un crime contre l'humanité, l'une de ses fiertés.

Aujourd'hui, sa position de cible privilégiée de la droite, tout comme son bras de fer médiatisé avec le très populaire ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, ont peu à peu fait d'elle une icône d'une politique de gauche assumée, réclamée par une partie de la majorité alors que l'exécutif bat des records d'impopularité. Un statut que pourrait encore renforcer son combat contre le racisme.

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