Guerre de 14-18: vif succès de la «Grande collecte» d'archives à Strasbourg

Guerre de 14-18: vif succès de la «Grande collecte» d'archives à Strasbourg

"Nous sommes débordés": aux Archives départementales à Strasbourg ...
"Nous sommes débordés": aux Archives départementales à Strasbourg les particuliers défilent pour déposer des écrits et images de la Grande Guerre. Sortis des placards familiaux, leurs documents fourmillent d'anecdotes qui redonnent vie aux sacrifiés du conflit.
"Nous sommes débordés": aux Archives départementales à Strasbourg les particuliers défilent pour déposer des écrits et images de la Grande Guerre. Sortis des placards familiaux, leurs documents fourmillent d'anecdotes qui redonnent vie aux sacrifiés du conflit. - Patrick Hertzog AFP
© 2013 AFP

© 2013 AFP

«Nous sommes débordés»: aux Archives départementales à Strasbourg les particuliers défilent pour déposer des écrits et images de la Grande Guerre. Sortis des placards familiaux, leurs documents fourmillent d'anecdotes qui redonnent vie aux sacrifiés du conflit.

Cartes postales, photographies, carnets de soldats, journaux du front: les témoignages, surtout en allemand, affluent depuis mardi sur le site, l'un des dizaines à participer en France à «La Grande Collecte» jusqu'au 16 novembre, dans le cadre des commémorations du centenaire de 1914-1918.

«On ne s'attendait pas à un tel succès, c'est impressionnant», s'étonne Marie-Ange Duvignacq, conservatrice aux Archives du Bas-Rhin, qui reçoit dans son bureau sans discontinuer depuis mardi, assistée par deux collègues.

Une centaine de contributeurs se sont manifestés. «Ce sont surtout des personnes de 60-70 ans, qui ont l'impression que la mémoire familiale est en train de s'éteindre», explique-t-elle, à la fois ravie du matériau récolté et effrayée par l'ampleur inattendue de la tâche qui s'annonce.

Monique Printz, 75 ans, lui a un peu mâché le travail. Cette passionnée de généalogie a méticuleusement classé et annoté des dizaines de photographies converties en cartes postales, envoyées pendant la guerre par le beau-frère de son grand-père.

«Regardez, là, il raconte à sa femme qu'il est allé voir les bateaux de guerre sur le port à Danzig pendant une permission», raconte-t-elle en retournant soigneusement l'une des cartes, qu'elle s'est chargée de traduire.

Car comme la plupart des soldats d'Alsace, annexée en 1871, Fritz Voelckel, facteur de profession, a servi dans l'armée allemande pendant la Grande Guerre, souvent sur le front de l'Est, et il s'exprimait en allemand.

«Aujourd'hui doit avoir lieu une grande bataille contre les Russes où nous avancerons en position couchée», raconte le soldat à son épouse au dos d'une photographie. «Il écrivait souvent +tout va bien+, mais on sent qu'il avait parfois la trouille», commente Mme Printz, montrant la photographie d'un champ de bataille où gisent des chevaux morts.

'L'Histoire doit se nourrir de ces petites choses'

Les documents apportés aux Archives témoignent d'histoires déchirantes, propres à la région, comme celle d'une famille où le père a combattu dans un camp, ses deux fils dans l'autre. Ils recèlent aussi des pépites, comme ce journal de plusieurs centaines de pages rédigé par un adolescent.

«Mon père avait 14 ans au début de la guerre. Il l'a écrit pour ses trois frères partis sur le front de l'Est. Il l'envoyait à l'un, qui le faisait passer aux autres, et par miracle ils ont pu tout récupérer», raconte Wilfred Helmlinger, 67 ans.

Tout juste un peu jauni par le temps, illustré de dessins de plus en plus réussis, ce trésor familial se présente comme une chronique de la vie au village pendant la guerre, dont certaines lignes de front étaient proches.

«Voici quelques Français, des ennemis: regardez les bien, afin que vous puissiez les reconnaître si vous les rencontrez sur le champ de bataille», écrit le jeune homme à ses frères, sous un dessin représentant des soldats français.

«Quand j'étais enfant, ça m'a servi de leçon d'histoire», raconte M. Helmlinger, qui souhaite que ce document à forte valeur sentimentale puisse être diffusé. «D'après moi, l'Histoire doit se nourrir de ces petites choses».

«C'est aussi à partir de ces anecdotes accumulées, mises bout à bout, que l'on peut constituer l'Histoire, ça parle au coeur», acquiesce Mme Duvignacq. «Et c'est formidable de faire revivre ces milliers de personnes qui sont mortes et en passe d'être oubliées», ajoute-t-elle.

Pour les archivistes, à Strasbourg comme ailleurs, le plus difficile commencera après la fin de la collecte. Il faudra alors trier, documenter puis numériser l'ensemble des documents recueillis, qui vont nourrir à terme une collection virtuelle sur le site de la bibliothèque numérique Europeana.