L’émotion et la joie à Villacoublay après le retour des otages
REPORTAGE – Après plus de trois années de détention, les otages d'Arlit ont retrouvé leurs proches mercredi devant les caméras…Alexandre Sulzer
Sans bruit, le Falcon de la République se pose sur le tarmac de la base aérienne de Villacoublay. Il est 11h45 ce mercredi quand les quatre otages d’Arlit (Niger), retenus au Nord-Mali, retrouvent leur patrie, après plusieurs années d’absence forcée. Quelques secondes plus tard, lentement, solennellement, une grappe de famille avance sur le bitume, devant une muraille de caméras et de micros. C’est François Hollande qui dirige ce groupe hésitant comme s’il ne parvenait pas à croire qu’à bord de l’avion qui amorce un dernier virage se trouve un père, un mari, un frère, bien vivant.
Le premier contact entre les désormais ex-otages et leur proche est visuel. Par les hublots, ils se voient, les mains commencent à s’agiter nerveusement. La porte de l’avion s’ouvre. Sortent Laurent Fabius et Jean-Yves Le Drian. Suivent les otages. L’émoi est trop fort. Des cris de joie sortent désormais de la bouche des uns et des autres. Les familles se précipitent sur leurs proches. Ils s’étreignent, pleurent. Même chez les journalistes, l’émotion est palpable dans l’air. Au fil de longues minutes, le bonheur prend le dessus. Des sourires barrent les visages, notamment ceux des ministres et du président de la République, des rires fusent.
«L’usage du monde» à la main
Le groupe est invité à un moment plus intime, à l’intérieur des bâtiments, à l’abri des regards. Marc Féret est le premier à quitter le tarmac, il marche lentement, tient la tête baissée. Il porte chèche et lunettes de soleil, comme Thierry Dol et Pierre Legrand, seul, lui, à ne pas avoir de barbe broussailleuse. Mais le benjamin des otages est souriant, tout comme Thierry Dol, rayonnant qui se permet même de saluer de loin les journalistes et de papoter au téléphone. Daniel Larribe a, lui, les traits creusés, le teint hâlé et tient discrètement dans sa main un livre de poche. On apprendra plus tard de la bouche de sa femme Françoise qu’il s’agit de L’usage du monde, un roman initiatique de Nicolas Bouvier, le seul ouvrage qu’elle ait réussi à lui faire parvenir jusqu’à son lieu de détention.
«Un jour nouveau»
Trois quarts d’heure plus tard, François Hollande revient avec les otages pour une brève allocution convenue devant les caméras. Il salue de «grands citoyens qui ont fait honneur dans leur captivité à la France». Pour calmer l’inquiétude des proches des Français encore pris en otages, il assure que «nous devons tout faire pour obtenir leur libération» mais que «cela suppose discrétion et solidarité». Le chef de l’Etat propose aux quatre hommes de prendre la parole. Aucun n’avance vers les micros. Pierre Legrand secoue la tête en signe de désaccord. «Ce n’est pas encore le temps des expressions», conclut François Hollande qui se tourne vers les familles et lance : «je crois qu’on peut les applaudir, quand même».
Tous repartent. Seule Françoise Larribe, ancienne otage elle aussi et rompue aux médias, s’adresse aux journalistes, parle de Daniel. «On a l'impression, très curieusement, qu'il reprend une conversation qu'on avait laissée il y a quelques jours», raconte celle qui a salué la résistance «formidable» de son mari. «Ils ont eu des moments très difficiles», notamment au moment des combats dans le massif des Ifoghas. «Est-ce que vous redoutez l’après?», interroge un journaliste. «Non», répond du tac au tac Françoise Larribe. «C’est un jour nouveau.»