Un viol conjugal jugé devant les assises du Val-de-Marne
La cour d'assises du Val-de-Marne juge depuis mardi un homme accusé d'avoir commis un viol conjugal, des faits commis au sein d'un huis clos familial et qui sont rarement renvoyés devant une juridiction criminelle.© 2013 AFP
La cour d'assises du Val-de-Marne juge depuis mardi un homme accusé d'avoir commis un viol conjugal, des faits commis au sein d'un huis clos familial et qui sont rarement renvoyés devant une juridiction criminelle.
«Le tabou du viol conjugal doit être levé et ce procès devant les assises doit permettre à Samia de pouvoir se reconstruire», a confié en marge des débats Me Nathalie Tomasini, l'un des conseils de la victime qui accuse son ex-compagnon de l'avoir violée, il y a plus de trois ans.
Les faits remontent à la nuit du 6 au 7 décembre 2010 sur fond d'alcoolisme de l'accusé et de disputes répétées, parfois violentes, au sein d'un jeune couple résidant à Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne).
Cette nuit-là, Fred, 31 ans à l'époque, agresse physiquement Samia sous les yeux de leur fillette de 4 ans et de la nièce de la victime hébergée temporairement par le couple. Puis selon l'accusation, il l'a contraint par deux fois à un rapport sexuel non consenti dans la chambre à coucher et la salle de bains.
Partie quelques jours plus tôt chez un oncle pour fuir les disputes incessantes, la victime était revenue au domicile familial pour récupérer des affaires personnelles suscitant alors la violente colère de son concubin passablement alcoolisé.
Faisant à voix haute le récit des échanges entre Samia et l'experte psychologue qui l'a examinée, le président de la cour d'assises rapporte ces douloureux propos prononcées par la victime au moment des faits qui ont duré une bonne partie de la nuit: «J'appelais +maman+ comme un bébé.»
La peur de n'être pas crue
Le lendemain matin, en état de choc, elle avait été trouvée par des policiers à la gare RER de Villeneuve avec des hématomes au visage, sur les bras et les jambes. Elle s'était vu prescrire cinq jours d'incapacité temporaire totale (ITT).
Interpellé peu après, l'accusé avait reconnu partiellement les faits de violence, changeant régulièrement de version mais niant avec constance le viol.
Natif de Guadeloupe, grand et mince, cet agent commercial de la SNCF s'exprime d'une voix grave, parfois si basse que le président est régulièrement obligé de lui demander de répéter ses propos.
Racontant devant la cour un parcours de vie sur lequel plane la figure d'un père violent qu'il a dénoncé pour protéger sa mère, il ponctue souvent son récit d'un «j'ai bu un petit verre» qui laisse entrevoir les sérieux problèmes d'alcool qu'il a affrontés dans un passé qu'il veut aujourd'hui révolu.
Refusant le droit au huis clos de son procès, «notre cliente a souhaité parler à toutes les autres femmes qui, au sein du huis clos familial, sont violées et ne dénoncent pas les faits parce qu'elles pensent qu'elles ne seront pas crues», ont expliqué les conseils de Samia, Nathalie Tomasini et Janine Bonaggiunta. «C'est un enjeu de société.»
«Il est temps de restituer au viol conjugal sa place de crime», a déclaré Me Clotilde Lepetit, avocate de l'association Ni Putes Ni Soumises qui s'est constituée partie civile dans ce procès «assez rare» selon elle devant une cour d'assises.
Les débats doivent s'achever mercredi. L'accusé encourt 20 ans de prison.