Oradour-sur-Glane: «Dès 1944, c’était perçu comme un massacre hors-norme»

Oradour-sur-Glane: «Dès 1944, c’était perçu comme un massacre hors-norme»

ENTRETIEN – Historien et auteur d’un livre sur le massacre d’Oradour-sur-Glane, Jean-Jacques Fouché revient sur le symbole de ce village honoré, ce mercredi, par la visite des présidents français et allemands…
Vincent Vanthighem

Vincent Vanthighem

«Exemplaire à tous points de vue». Historien spécialiste de la Seconde Guerre mondiale, Jean-Jacques Fouché explique à 20 Minutes le symbole que représente toujours aujourd’hui le massacre d’Oradour-sur-Glane. Entretien.

Pourquoi Oradour est-il le symbole de la violence nazie?

Tout d’abord, c’est l’ampleur du massacre (642 civils tués) et la frénésie de la violence qui ont marqué les esprits. Ensuite, le fait que le village a été totalement détruit a beaucoup joué. C’est tellement effrayant que l’on s’est rendu compte très vite que ce n’était pas un fait de guerre ordinaire.

Très vite. C'est-à-dire?

Le massacre d’Oradour a eu lieu le 10 juin 1944. Dès la fin du mois, le Préfet –qui était un fonctionnaire de Vichy- a envisagé de conserver les ruines. Parce qu’il avait déjà compris que ce massacre était hors norme. Dans cette démarche, il a notamment été soutenu par un pasteur résistant et l’évêque local. Dès la Libération de Paris, en août, le Préfet prend la décision de nommer un conservateur des ruines. En novembre, le gouvernement provisoire valide sa décision. Finalement, quand de Gaulle se rend sur place en mars 1945, il ne fait que confirmer ce qui a déjà été décidé au niveau local.

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Comment les autorités de l’époque avaient-elles jugé ce massacre?

Dans cette histoire, c’est la barbarie nazie qui était exemplaire. C’est l’archétype de tous les massacres. La scénographie joue beaucoup. Les troupes encerclent le village, rassemblent les femmes dans l’église avant de l’incendier. Puis ils vont fusiller les hommes. Ce n’est pas la simple exécution de résistants. Dans la région, il y avait, à l’époque, un grand nombre de communistes qui ont œuvré pour en faire un symbole. Dès 1944, Oradour devient un lieu de pèlerinage pour les habitants du Limousin.

Pourquoi a-t-il fallu attendre près de 60 ans pour qu’un président allemand se rende sur place?

La partie est de l’Allemagne a organisé le souvenir d’Oradour. Mais la partie ouest, anticommuniste, l’a totalement occulté. Aujourd’hui, c’est un président issu de l’ancienne Allemagne de l’Est qui se rend sur place. Ce n’est pas pour rien. C’est la conséquence de la culture de la Guerre froide. C’est très bien pour le souvenir. Car les gens d’Oradour ont toujours pensé que la dette morale des Allemands n’avait jamais été réglée.