Scouts et Guides de France: «On vaut mieux qu'une caricature»

Scouts et Guides de France: «On vaut mieux qu'une caricature»

REPORTAGE – Alors que le mouvement compte de plus en plus d’adhérents, «20 Minutes» a passé une journée dans un camp scout…
Mathieu Gruel

Mathieu Gruel

Une toile bleue se dessine sur le vert de la prairie. Dans cette immense étendue d'herbe en lisière de forêt, leur présence est discrète. C'est pourtant là, non loin de la ferme du Mesnil, à Grisy-Suisne (Seine-et-Marne), que depuis trois jours les Scouts et Guides de France de Colombes ont installé leur campement, où ils vont rester encore une dizaine de jours.

Entre les arbres, les enfants jouent les guides, montrant fièrement les tables et hamacs construits de leurs mains ou les tentes canadiennes, qu’ils ont montées et où ils dorment. Ils sont 21 jeunes, de 11 à 14 ans, à avoir installé leur campement à l'ombre, dans la forêt. Chaque équipe, trois de garçons (les scouts) et deux de filles (les guides), est «là pour être actifs. Nous, on apprend des choses», explique Roman. «Ça change de ceux qui jouent aux jeux vidéo.»

Confort moderne

Plus que la manette de jeux, c’est donc le couteau suisse qui est en vogue par ici. Chacun apprend également à manier les outils, pour construire les installations nécessaires à la vie du groupe. Grande table commune dans la prairie, coin vaisselle... Tout est fabriqué dans le respect de l'environnement avec des cordes et du bois, récupéré dans la forêt.


Les scouts dans le hamac qu'ils ont fabriqué

Oublié le confort moderne. L'électricité et l'eau courante ne sont disponibles qu'un peu plus loin, dans la ferme de l'agriculteur à qui appartient le terrain. Quant à ses besoins, il faut les faire dans «les feuillées», un lieu d'aisance creusé dans le sol.

Voilà pour le tableau. Mais les jeunes scouts semblent ravis de cette vie de débrouille au grand air, qui ne va pas sans quelques règles. Si le gros mot ou le retard vous coûtera une série de pompes ou d’abdos, les équipes se voient également attribuer un rôle différent chaque jour. Entre le tour de vaisselle, de cuisine, ou la préparation de la veillée... Ce sont les six jeunes qui encadrent le camp, Emmanuel, Noël, Pierre, Maximilien, Blandine et Cheila, la responsable de l’équipe, qui se chargent de cette répartition.

Encadrement bénévole

Âgés en moyenne d'une vingtaine d'années, ils sont scouts eux aussi, pour certains depuis le plus jeune âge. «Mais il n’y a pas de règle, certains rejoignent le mouvement sur le tard», explique Cheila. Seul point commun pour cette chouette équipe, amis également à la ville: ils sont tous bénévoles. «Ce n'est pas un travail, je prends mon pied à être avec tous les jeunes», explique Emmanuel. «On est là pour donner, parce qu'on nous a appris beaucoup».


Autour du feu

Les échanges avec les enfants sont donc nombreux. Autour du feu, où cuit le repas du soir, c'est d'ailleurs l’occasion de réfléchir à la conception d’une table de cuisson. Et surtout de trouver une façon de faire décongeler les cotes de porc prévues au menu.

Valeurs et caricature

Ce soir là, le repas sera servi avec un peu de retard. Mais c'est dans la bonne ambiance générale qu'il sera englouti, après le bénédicité. Avec le temps «spi», pour spirituel, c'est l'un des rares moments qui rappelle l’identité du mouvement. «Même si nos valeurs sont inspirées du catholicisme, les Scouts et Guides de France sont très ouverts», reconnaît en effet Emmanuel.


Cote de porc, brochette et aubergines au feu de bois

«Ça et la devise "Scout toujours", ce sont les premiers trucs qu'on se ramasse. Mais on vaut mieux qu'une caricature», indique Noël. Même s’il reste parfois mal connu, le mouvement, qui s’invite également dans les quartiers populaires, enregistre pourtant une augmentation de 13% d’adhérents depuis 7 ans. Quelque 3.000 camps fleurissent ainsi chaque été en France.

Et en voyant tout ce petit monde attablé au beau milieu de la prairie, on pense forcément à une grande famille, où se transmettent les valeurs de générosité d’entraide et de partage. «Ma mère était chef louveteaux», explique d’ailleurs une jeune guide, quand une autre indique que ses parents se sont rencontrés grâce au scoutisme. En fait, «les scouts, c'est une agence matrimoniale», plaisante Noël.

Responsabiliser les jeunes

Plus tard dans la nuit, alors que les marshmallow grillés ont été engloutis depuis un moment, que les chants et les rires de la veillée se sont éteints, la journée se prolonge pourtant. A la lumière des lampe-torches, les six «animateurs» ont convié les chefs d’équipes au petit débriefing quotidien.


Atelier marshmallow grillés

L’un y évoque alors sa satisfaction d’avoir vu, pendant la veillée, un de ses camarades se révéler en faisant l’acteur d’une manière bluffante. Les « animateurs» acquiescent. Mais n’oublient pas pour autant de revenir sur les quelques soucis rencontrés dans la journée. L’idée est de «responsabiliser les jeunes», expliquent-ils, «de les faire grandir et leur permettre d’acquérir des compétences».

Le cinquième repas

Une fois les chefs d’équipes partis se coucher, les «animateurs» font encore un peu de rab. Commence alors «le 5e», un cinquième repas composé principalement de sucreries, qu’ils partagent en faisant un point sur la pédagogie et l’intendance. C’est aussi le moment où l’on s'autorise enfin une petite cigarette, ou un coup de fil à sa copine ou son copain. Et si les yeux commencent à fatiguer, les sourires sont toujours accrochés aux visages.

Ce n’est qu’à 1h du matin que l'équipe rejoindra sa tente baptisée «bucki» -pour Buckingham Palace-, aggravant au passage un déficit de sommeil déjà conséquent. «C’est sûr que c’est usant», confie Pierre, au moment de se glisser dans le duvet. Maximilien, chargé de la comptabilité, n’ira quant à lui se coucher qu’à 4h. Mais ça ne les empêchera pas, dès 8h30 le lendemain, de remettre leur foulard autour du cou. Prêts. Comme toujours.