Affaire de l’arbitrage: «Tapie est l’un des plus grands communicants de France. Seul Mitterrand était meilleur que lui»

Affaire de l’arbitrage: «Tapie est l’un des plus grands communicants de France. Seul Mitterrand était meilleur que lui»

DECRYPTAGE – Silencieux il y a deux mois, Bernard Tapie est de retour sur les plateaux télé pour assurer sa défense dans l’affaire de l’arbitrage…
Vincent Vanthighem

Vincent Vanthighem

«C’est l’un des plus grands communicants de France. Seul Mitterrand était peut-être meilleur que lui…» Aussi élogieuse soit-elle, cette petite phrase du publicitaire Jacques Séguéla au sujet de Bernard Tapie illustre bien la capacité de l’homme d’affaires à jouer avec les médias. Silencieux voire dédaigneux face aux journalistes pendant de long mois, Bernard Tapie a réinvesti les plateaux télé depuis dix jours pour assurer lui-même sa défense dans le dossier controversé de la revente d’Adidas. 20 Minutes décrypte cette stratégie de communication.

24 mai 2013: «Il m’est resté moins de 100 millions…» (Le Parisien)

A l’époque, Bernard Tapie n’est pas encore inquiété. Alors que Christine Lagarde est convoquée par les enquêteurs qui souhaitent savoir quel rôle elle a joué lorsqu’elle était ministre des Finances, il accepte de répondre aux questions du Parisien. «C’est alors de la communication millimétrée, explique Bastien Millot, professeur de communication politique à Sciences Po. Il choisit la presse écrite car il peut relire l’entretien avant parution, corriger et amender les choses. On évite ainsi tout risque de dérapage incontrôlé…»

Sur le fond, l’ancien président de l’Olympique de Marseille est encore dans une phase défensive, comme l’explique Jacques Séguéla à 20 Minutes. «Il est dans l’explication de cette affaire. Personne n’y comprend rien et il tente de décortiquer l’affaire pour faire comprendre qu’il n’a pas touché 400 millions d’euros comme tout le monde le prétend.»

20 juin 2013: «Votre émission ne vaut pas un clou» (Envoyé Spécial)

Là encore, Bernard Tapie n’est pas encore personnellement inquiété par les enquêteurs. Sollicité par les journalistes «d’Envoyé Spécial», il s’en tient à sa stratégie de ne pas répondre à la télévision pour éviter de déraper. Avant de raccrocher au nez du journaliste, il lâche tout de même que les journaux télévisés enchaînent les «innombrables conneries» à longueur de temps.

>> Vidéo: Revoir le coup de fil d’Envoyé Spécial à Bernard Tapie

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24 juin 2013: «J’en ai rien à foutre. Vous allez voir ce que je vais leur mettre !» (Europe 1)

L’affaire s’accélère. Bernard Tapie est convoqué à la Brigade financière pour s’expliquer. Et tous les journalistes de France tentent de l’interroger avant cette épreuve. Il raccroche au nez de 20 Minutes. Et ne lâche finalement qu’une phrase à un journaliste d’Europe 1. «J’en ai rien à foutre [d’être convoqué] ! Vous allez voir ce que je vais leur mettre [aux juges].» «C’est un showman, reprend Bastien Millot. Le langage employé est grossier, trivial, bravache mais très direct. Tapie refait alors du Tapie et il commence à y prendre goût…»

27 juin 2013: «Les médias ne me pardonnent pas d’avoir survécu à leurs attaques !» (Livre)

Bernard Tapie est encore en garde à vue quand sort le livre qu’il a écrit en très peu de temps. Un scandale d’Etat, oui, mais pas celui qu’ils vous racontent (Ed. Plon) fait partie de sa stratégie de communication millimétrée. «Il lui permet de prendre le temps d’expliquer les choses», commente Jacques Séguéla. Et de régler ses comptes avec les médias. «Ils ne me pardonnent pas d’avoir survécu à leurs attaques !», écrit-il ainsi dans cet ouvrage.

Mais, alors qu’il est encore en garde à vue, le livre n’est pas un succès. Classé 97è dans les meilleures ventes de la semaine, il ne décolle pas. Il faut dire que Bernard Tapie est en train d’opérer un virage à 180 degrés qui va le forcer à reprendre la parole à la télévision.

1er juillet 2013: «Vous vous foutez de ma gueule. Je vous dis que c’est un complot» (France 2)

Alors qu’il critiquait les journaux télévisés et en particulier France 2 une semaine plus tôt, Bernard Tapie se retrouve face à David Pujadas. «C’est le virage à 180 degrés, assure Bastien Millot. Il décide d’apparaître à la télé et de s’adresser, cette fois, au grand public.» David Pujadas en fait les frais en direct. Assurant le show pendant 27 minutes, «il en a fait l’emblème de la France bien pensante qui ne supporte pas sa réussite», poursuit le professeur de communication politique.

«A certains moments, j’avais plus envie de sourire que de partir en courant», a commenté après l’interview le présentateur du journal de France 2. «D’autant qu’il sort de garde à vue et a donc eu accès au dossier, analyse Jacques Séguéla. Il est convaincu qu’il n’y a rien dans le dossier et il peut se permettre de contre-attaquer. Mais ce n’est pas les juges qu’il critique mais l’enflure sociétale…»

>> Vidéo: Le zapping du passage de Bernard Tapie sur France 2



10 juillet 2013: «Vous ne pensez pas que je vais me laisser faire» (I Télé)

«Bernard Tapie est le meilleur atout pour assurer la défense de Bernard Tapie», assure Bastien Millot. Ses avocats en retrait, c’est encore l’homme d’affaires qui prend toute la lumière. Une heure sur I Télé suivie d’une interview au journal télévisé de TF1. «Il a lâché ses notes et les chevaux, assure le professeur de communication. Avec un message de lui et du petit peuple contre les élites…»

Car, en ce mercredi, Bernard Tapie s’est fait saisir une bonne partie de ses biens par la justice. Bravache, il assure qu’il ne va pas «[se] laisser faire». «On est ici dans l’hypercommunication, analyse Bastien Millot. Il martèle son message sur tous les plateaux télé afin qu’il marque les esprits. Il joue le côté de la réussite en insistant sur le fait qu’il n’est parti de rien.»

>> Vidéo: Le zapping du passage de Bernard Tapie sur I Télé