Immobilier: la loi Duflot s'attaque aux pratiques abusives
•Plafonner les frais d'agence payés par le locataire, encadrer ...© 2013 AFP
Plafonner les frais d'agence payés par le locataire, encadrer les tarifs des syndics et obliger les marchands de listes à détenir l'exclusivité des logements proposés, telles sont quelques unes des mesures annoncées mercredi par le ministère du Logement pour lutter contre les «pratiques abusives» dans l'immobilier.
Si les associations de consommateurs applaudissent, les professionnels grincent des dents et avertissent que l'on risque de décourager les propriétaires.
Une crainte injustifiée selon la ministre du Logement Cécile Duflot, pour qui «tous ceux qui sont dans un esprit de professionnalisme ne seront pas maltraités par cette loi.»
Ces mesures, incluses dans le projet de loi «pour l'accès au logement et un urbanisme rénové» (ALUR), attendu en conseil des ministres le 26 juin, visent justement à lutter contre «les abus de certains qui ont jeté le discrédit sur l'ensemble de la profession», et à «restaurer la confiance des consommateurs», souligne-t-elle.
Réforme la plus emblématique; le plafonnement des honoraires des agences immobilières, qui atteignent aujourd'hui le plus souvent un mois de loyer pour les nouveaux locataires.
«Cela n'a pas de sens par rapport à la réalité du travail effectué», a estimé Cécile Duflot au cours d'une conférence de presse.
Le projet de loi prévoit que seules la réalisation de l'état des lieux et la rédaction du bail pourront continuer à être facturées en partie au locataire, tous les autres frais liés à la mise en location du bien devant être pris en charge par le bailleur.
Jeudi Noir occupe la Fnaim
Le montant incombant au locataire sera par ailleurs plafonné par décret, «de façon à garantir qu'il correspond au coût réel des prestations». Le mode de calcul de ce plafond n'est pas encore établi, a précisé la ministre.
Cette mesure était réclamée depuis longtemps par les associations de consommateurs. «Il s'agit d'une mesure qui améliorera la transparence (...) et qui mettra fin à de nombreux abus et désagréments», estime l'association Consommation Logement Cadre de vie (CLCV).
Le collectif Jeudi Noir, qui a occupé brièvement mercredi le siège de la Fédération nationale de l'immobilier (Fnaim) à Paris pour dénoncer les frais d'agences payés par les locataires, s'est dit «très content» de cette annonce, mais aurait souhaité aller plus loin. «Le locataire n'a pas à payer. Ce sont des prestations accomplies par l'agence à la place du propriétaire, c'est à lui de payer», a ainsi déclaré à l'AFP Manuel Domergue, porte-parole du collectif.
Les professionnels défendent eux la réalité du travail effectué.
«Nous permettons au locataire d'avoir le choix, d'être assuré que le bailleur est réellement propriétaire du bien, que le logement correspond bien aux normes légales en matière de location... Toute prestation mérite rémunération», souligne Bernard Cadeau, président du réseau Orpi, interrogé par l'AFP.
«Si notre travail n'est plus payé que par les bailleurs, on va les faire sortir du marché», renchérit Frédéric Monssu, directeur général de Guy Hoquet.
Le dirigeant est en revanche favorable à l'obligation de formation continue pour les professionnels de l'immobilier et à la création d'un organisme de contrôle du secteur, également prévues par le projet de loi.
Un compte par copropriété
La réforme, dite Duflot 2, veut également limiter strictement les prestations que les syndics de copropriété pourront facturer en supplément de leur forfait de base.
Les syndics seront par ailleurs obligés d'ouvrir un compte bancaire séparé pour chaque copropriété, ce qui permettra une plus grande transparence dans l'usage des fonds et facilitera leur récupération en cas de liquidation judiciaire du syndic.
La Fnaim juge limité l'intérêt de cette mesure, soulignant le surcoût qu'elle représenterait.
Vendredi, le réseau de syndics et d'agences immobilières avait déjà envoyé une lettre ouverte au Premier ministre Jean-Marc Ayrault, estimant que de telles mesures iront «à l'encontre des intérêts des locataires, des bailleurs et des copropriétaires» et «bouleverseront le modèle économique de la profession ainsi que l'emploi dans (leurs) entreprises».
«Je pense que c'est faux», a répliqué mercredi Cécile Duflot. «Je sais exactement ce qu'il en est de la situation. Je ne cèderai pas à des hauts cris», a-t-elle ajouté.
La ministre veut également lutter contre les pratiques «à la limite de l'escroquerie» des marchands de listes, qui devront désormais détenir un mandat exclusif sur les biens qu'ils proposent, pour éviter les listes ne contenant que des logements déjà loués.
Le projet de loi comportera en tout 84 articles, qui vont de la relance de la construction de logements au renforcement de l'encadrement des loyers, en passant par la garantie universelle des risques locatifs, dont les modalités n'ont pas encore été dévoilées.