DÉCRYPTAGECe que l’on sait de ces mères qui tuent leurs nouveaux-nés

Ce que l’on sait de ces mères qui tuent leurs nouveaux-nés

DÉCRYPTAGEntre souffrance psychique et déni de grossesse, «20 Minutes» détaille les éléments de cette réalité...
Mathieu Gruel

Mathieu Gruel

Véronique Courjault, Dominique Cottrez, Céline Lesage, Virginie Labrossell… Quelle réalité se cache derrière ces noms de mères, devenus ceux d’affaires d’infanticides? Comment expliquer qu’après avoir donné la vie, certaines décident de la reprendre aussitôt? Après la découverte de deux bébés congelés, dimanche dans l’Ain, 20 Minutes revient sur ce phénomène…

Qu’est-ce que l'infanticide?

Il s'agit d'un terme juridique, qui désigne à la fois le meurtre d'un enfant, particulièrement d'un nouveau-né, et l'auteur d'un tel acte. Cette réalité recouvre deux cas particuliers. On parle ainsi de filicide pour le meurtre par un père ou une mère de son propre enfant. Quant au néonaticide, il désigne l'homicide d'un enfant né depuis moins de 24 heures, ce qui est le cas dans cette affaire de l’Ain. Dans ce deuxième cas, le crime est commis presque exclusivement par la mère de l'enfant.

Le nombre de néoticides augmente-t-il?

S'il est difficilement quantifiable, la psychanalyste Sophie Marinopoulos, auteur de Mon carnet de santé psy (Editions Les liens qui libèrent), estime qu'«il y en a de plus en plus» et y voit le signe d'une augmentation du mal-être de certaines femmes, là ou d'autres pensent que c'est la société qui médiatise plus ces affaires que par le passé.

Qu'est ce qui explique ce geste?

Pour Sophie Marinopoulos, «il s'agit d'un mécanisme de défense. Ces enfants meurent de ne pas êtres attendus». Dans des cas tels que l'affaire survenue dans l'Ain, c'est d'ailleurs «un échec cuisant pour la société et notre système de santé, qui passe à côté de l'humain et de la souffrance de ces femmes. Là, elle avait déjà été emprisonnée pour des faits semblables et en ressortant, elle refait la même chose... Ce qui est choquant c'est que son passage en prison n'a rien changé».

Qu’est ce que le déni de grossesse?

Le déni de grossesse se définit comme «le fait pour une femme enceinte de ne pas avoir conscience de l’être», nous apprend Wikipédia. Souvent mis en avant pour expliquer ces affaires de néoticides, tous ne conduisent pas au décès de l'enfant pour autant. Ainsi, il se peut chez beaucoup de femmes qu’il y ait «un levé du déni au cours de la grossesse et que la mère fasse alors un choix, soit renoncer à élever l'enfant, soit le garder et l'élever». Dans le cas du meurtre, «la plupart du temps il n'y a pas eu de levé du déni. L'accouchement est alors un moment de panique et, pour arrêter cet événement qui les met dans une souffrance intense, elles annulent les cris de l'enfant et celui-ci en décède», explique Sophie Marinopoulos.

Pourquoi mettre les enfants dans le congélateur?

Si la chercheuse Anne Tursz y voit «une sorte d'effet de mimétisme» lié à l'affaire Courjault (deux enfants tués avaient été retrouvés dans un congélateur), elle précise que dans la plupart des cas, les enfants sont retrouvés enterrés à divers endroits. Sophie Marinopoulos précise en effet que ces femmes ne sont «jamais loin du corps de leur enfant. Mais je ne pense pas qu'il s'agisse de mimétisme avec l'affaire Courjault », précise-t-elle. «J'ai souvenir d'affaires dans les années 90 ou, déjà, des bébés avaient été retrouvés dans des congélateurs». Pour elle, que ces enfants soient «enterrés dans le jardin, dans la cave ou mis dans le congélateur», cela répond surtout «au besoin de garder une trace».

Quel profil ont ces femmes?

Dans le livre Les oubliés. Enfants maltraités en France et par la France (Éditions du Seuil), Anne Tursz dresse le portrait d'une femme âgée en moyenne de 26 ans et dont un tiers avait au moins trois enfants. Autre caractéristique, ces femmes n'avaient pas de maladies mentales et avaient peu confiance en elles ou présentaient une certaine immaturité voire des carences affectives et une forte dépendance à l’autre. Refusant de dresser un «profil type» de ces mères, Sophie Marinopoulos insiste sur leur souffrance et leur fragilité. «Elles pensent qu'elles n'ont pas de valeur et on constate souvent chez ces femmes une sorte de mise en retrait, un côté inhibé ou une forme de transparence».