Une demande de révision pour un meurtre commis en 1946
•JUSTICE – Les aveux des deux condamnés avaient été extorqués sous la torture…Alexandre Sulzer
Soixante-sept ans après les faits, la commission de révision a été saisie pour la sixième fois dans l’affaire Mis et Thiennot. Ces deux jeunes chasseurs ont été condamnés en 1947 à 15 ans de travaux forcés pour le meurtre l’année précédente d’un garde-chasse en forêt de Saint-Michel-en-Brenne (Indre). Après avoir avoué, les inculpés s’étaient rétractés devant le juge d’instruction et avaient clamé leur innocence. Car les aveux ont été extorqués sous la torture. Les gardiens de la prison ont constaté des traces de sévices: dents cassées, oreilles décollées, poumon perforé… Ce qui n’empêchera pas les condamnations. Mais les doutes sont tels qu’en juillet 1954, le président de la République René Coty accordera sa grâce. Gabriel Thiennot et Raymond Mis sont dès lors graciés mais pas réhabilités.
Des faits nouveaux
«Il y a des faits nouveaux dans ce dossier», assure Me Jean-Pierre Mignard qui présentait mardi la demande de révision à la presse. L’avocat, qui représente les ayant-droits, apporte un témoignage vidéo réalisé en 2012 de Bernard Chauvet, un co-accusé, qui décrit précisément les supplices et les menaces subis. Autre pièce nouvelle: un rapport de dénonciation à la Gestapo signé en 1943 par le commissaire Daraud, policier en charge du dossier en 1946. Un profil de collaborateur qui a son importance «dans une atmosphère de guerre civile feutrée de la France d’après-guerre vu que Thiennot était un militant communiste et que Mis était d’origine polonaise», assure Me Mignard.
La Convention pour la torture mise en avant
Pour la première fois, les requérants vont demander l’annulation d’une partie du dossier, à savoir les témoignages recueillis sous la contrainte, au regard de la Convention contre la torture de 1984, signée par la France. «Si on enlève ces pièces, il ne reste rien dans ce dossier qu’une enquête médiocre», fait valoir Me Mignard qui souligne que lors de la dernière instruction en révision, la commission n’avait pas nié l’existence de violences mais avait estimé qu’elles n’avaient «pas de portée révisionnelle». Mais le point de droit concernant la Convention contre la torture «n’avait pas été soulevé», remarque Me Mignard, plein d’espoir. Depuis 1945, seules huit personnes ont été acquittées d’un crime à l’issue d’un procès en révision.