TÉMOIGNAGEMal-logement: «J'ai vécu avec ma fille dans un appartement de 14m²»

Mal-logement: «J'ai vécu avec ma fille dans un appartement de 14m²»

TÉMOIGNAGEeila et sa fille adolescente cohabitent dans moins de 30m² depuis plusieurs années...
Témoignage édité par Christine Laemmel

Témoignage édité par Christine Laemmel

Ce vendredi, la fondation Abbé Pierre a présenté son 18e rapport sur le mal-logement en France. En pointant, parmi les contours du logement indigne, la surpopulation. Au milieu de situations d’extrême précarité, des cas presque ordinaires de promiscuité se multiplient. Illustration avec Leila, qui a répondu à notre appel à témoignage. Dans l’attente d’un logement social depuis trois ans, elle partage un studio avec sa fille adolescente.

«L’odeur de la nourriture et des toilettes»

Pour Leila, 32 ans, tout a commencé après une rupture sentimentale brutale. Littéralement «mise dehors avec [sa] fille», elle a d’abord été hébergée par des amis. Après avoir décroché un CDD, Leila s’est mise à chercher «n’importe quel logement sur des sites de particuliers», raconte-t-elle. Elle repère un studio de 14m², à 540 euros. «Lorsque j'ai visité, se souvient Leila, j'étais surprise de la taille et du montant du loyer surtout. Mais je n'avais pas le choix.» Alors avec sa fille, elles supportent, pendant près d’un an, la promiscuité, «l’odeur de la nourriture, des toilettes», l’impossibilité d’inviter qui que ce soit chez soi.

Dans la pièce principale, un évier et deux plaques chauffantes jouxtent les toilettes et la douche. Le reste de la place est occupé par un canapé-lit. Et lorsque la douche tombe en panne, c’est sur le palier que Leila et sa fille doivent se laver, «peu importe l’état de pourriture», raconte la mère.

Un an plus tard, lassée que sa fille subisse tout ça et profitant du fait d’avoir décroché un nouveau travail en intérim, payé 1.400 euros net par mois, Leila se remet à la recherche «d’un bon samaritain, pas trop regardant sur le salaire». Elle repère alors un autre studio, de 25m², «un palace». Loué 650 euros.

«Je suis une priorité parmi d’autres priorités»

«Au bout de quelques jours, toujours pas de réponse. Je pensais que ma situation ne s'améliorerait jamais.» Mais Leila insiste. «J'ai envoyé un mail, de nouveau, à ce propriétaire, mais un mail pas très courtois. En lui disant qu'il devrait songer à traiter les gens d’une meilleure manière et qu'une réponse ne lui coûterait rien. Il a répondu à ce mail en me disant qu'il n'avait pas le temps de répondre à tout le monde mais qu'il souhaitait tout de même me faire visiter l'appartement. Et même en sachant que j'étais intérimaire, il a finalement bien voulu me louer l'appartement.»

Une chance relative, car le logement ne garantit toujours pas l’intimité nécessaire à une adolescente de 12 ans. Alors quand elle a besoin de s’isoler, sa fille s’enferme dans la salle de bain. «C’est incroyable car nous sommes en France», finit-elle par lâcher. Sur la suite, Leila, garde, sans vraiment avoir le choix, la tête sur les épaules. «Je suis dans l'attente d'un logement social. Mais je sais très bien que je suis une priorité parmi d’autres priorités, et il y a malheureusement pire que moi.» Tablant sur une attente de cinq ans au minimum, Leila tentera entretemps de «joindre les deux bouts, en tirant sur une corde qui, croit-elle, n’a pas vraiment de fin».