Gestation pour autrui: Ce que contient vraiment la circulaire Taubira
PARENTALITÉ•20 Minutes» revient sur ce texte envoyé vendredi aux tribunaux, qui déclenche une vive polémique entre majorité et opposition...Enora Ollivier
Ce sont quelques lignes qui ont mis le feu ce mercredi. Dans une circulaire envoyée vendredi, la ministre de la justice Christiane Taubira demande aux greffiers des tribunaux de grande instance de faciliter la délivrance de certificats de nationalité aux enfants de père français nés d'une mère porteuse à l'étranger. Une brèche ouverte vers la légalisation de la gestation pour autrui (GPA), dénonce l’opposition, quand la chancellerie assure qu’il est hors de question de reconnaître la GPA. Qu’en est-il vraiment?
Que dit la circulaire Taubira?
Adressée aux greffiers des tribunaux d’instance, la circulaire demande de délivrer des certificats de nationalité française (CNF) pour des enfants nés à l’étranger de mères porteuses mais dont le lien de filiation avec un Français «résulte d’un acte civil étranger probant au regard de l’article 47 du code civil». Le certificat de nationalité en question est un document servant à prouver la nationalité française. Ce n’est donc pas un acte qui attribue la nationalité, mais qui peut être donné une fois que cette nationalité est établie. Ce certificat peut servir par exemple lors de la première demande de réalisation d’une pièce d’identité.
Cette circulaire légalise-t-elle la gestation pour autrui?
Non. La circulaire n’introduit pas un nouveau droit, mais rappelle le droit existant. En l’occurrence qu’un enfant a la nationalité française quand au moins un des parents est Français. Et si la GPA reste interdite en France, «le seul soupçon de recours» à cette méthode «ne peut suffire à opposer un refus aux demandes de CNF», «dès lors que les actes de l’état civil local attestant du lien de filiation avec un Français (…) sont probants au sens de l’article 47», précise la circulaire. En somme, par exemple, si un homme français qui a fait appel à une mère porteuse à l’étranger est reconnu comme père de l’enfant par les autorités locales, son enfant est également français et peut donc recevoir un certificat de nationalité.
La circulaire Taubira a en fait pour but d’uniformiser le droit. Car jusqu’ici, l’issue des demandes variait selon les juridictions qui traitaient les dossiers.
Combien d’enfants sont concernés?
Christiane Taubira a cité ce mercredi à l’Assemblée «11 cas» de soupçons de GPA répertoriés en 2012 et «44 cas entre 2008 et 2011», et ce sur «450.000 actes d’état civil» établis chaque année à l’étranger. «Lorsqu’un consul à un doute, a indiqué la ministre de la Justice, il le signale au ministère des Affaires étrangères qui le signale lui-même au parquet». Sur les 44 cas signalés entre 2008 et 2011, «38 ont été confirmés» comme nés d’une GPA. Des associations évoquent quant à elles «une centaine» de naissances par GPA l’année passée.
Pourquoi l’opposition proteste?
L’opposition dénonce une manœuvre de «dissimulation» visant à légaliser la gestation pour autrui. Ou voit dans cette circulaire un appel à violer la loi interdisant le recours à la GPA en se rendant à l’étranger pour faire appel à une mère porteuse. «Vous encouragez le recours à des méthodes inhumaines!», a ainsi lancé Jean-François Copé lors des questions au gouvernement. A l’Assemblée, Christiane Taubira a souligné la ferme opposition du gouvernement à la GPA en rappelant «un principe d’ordre public», celui de «l’indisponibilité du corps humain».
Que dit la loi française, sur la GPA ?
La gestation pour autrui est strictement interdite en France, depuis une décision de la cour de Cassation en 1991. La loi de bioéthique de 1994 a confirmé cette interdiction. Le code civil stipule ainsi que «toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d'autrui est nulle».
Pourquoi les parents d’enfants nés par GPA ne sont pas poursuivis, puisqu’ils ont enfreint la loi?
Aucune sanction pénale n’est prévue pour le ou les parents qui ont recours à la GPA, ni pour la mère porteuse. Le code pénal prévoit en revanche un an d’emprisonnement et 15.000 euros d’amende pour toute personne qui aurait, «dans un but lucratif», fait l’intermédiaire «entre une personne désireuse d’adopter un enfant et un parent désireux d’abandonner son enfant né ou à naître». Par ailleurs, en théorie, le ministère public peut contester la filiation en cas de fraude à la loi. Seulement, les procédures ne sont jamais engagées, en vertu de «l’intérêt supérieur de l’enfant». Il y a donc bien une sorte de vide juridique.