Amnésie après un viol: «Les souvenirs peuvent ensuite remonter n’importe quand»
INTERVIEW•Psychiatre spécialisée dans le traitement des victimes de crimes sexuels, Muriel Salmona décrypte l'amnésie pathogène...Propos recueillis par Vincent Vantighem
C'est au cour d'une séance d'hypnose que Cécile a découvert qu'elle avait été violée quand elle avait cinq ans. Une réaction qui n'est pas marginale. Selon l'étude américaine William, qui date de 1994, 38% des victimes de viols sont atteints d'amnésie pathogène. Psychiatre spécialisée dans le traitement des victimes de crimes sexuels, Muriel Salmona* décrypte le phénomène pour 20 Minutes.
Les victimes de viol sont-elles souvent frappées d’amnésie?
C’est fréquent. C’est une technique d’évitement pour éviter de se laisser envahir par les émotions. Quand les faits se sont déroulés durant l’enfance, c’est encore plus vrai. Car les souvenirs se construisent avec l’entourage. Si c’est l’omerta autour d’un enfant violé, il va inconsciemment oublier ce qu’il a subi. Les souvenirs peuvent ensuite remonter n’importe quand.
C’est-à-dire?
Une grossesse, un voyage ou même un film. A ce moment-là, la victime va revivre les faits en direct, comme s’ils venaient de se produire. Elle ressent alors des sensations et même des douleurs.
Quelles conséquences cela peut-il avoir sur la vie de ces victimes?
Cela bloque complètement. Ces personnes se sentent mal sans savoir pourquoi. Dans ces cas-là, elles peuvent prendre des médicaments, des drogues ou de l’alcool pour supporter ça.
*Le livre noir des violences sexuelles (à paraître aux éditions Dunod)