Quand se chauffer devient un luxe
SOCIAL•Huit millions de personnes souffrent de précarité énergétique...Céline Boff
De plus en plus de ménages ne parviennent plus à payer leur facture d'énergie. Sur les dix premiers mois de l'année, le Secours catholique de Lille a enregistré une hausse de 88% des demandes d'aide pour ce motif, par rapport à la même période 2010.
En France, 8 millions de personnes, soit 3,8 millions de foyers, sont en situation de précarité énergétique. «Cela signifie qu'ils consacrent plus de 10% de leurs revenus à régler leur facture d'énergie. Ce sont surtout des personnes âgées qui vivent dans des maisons mal isolées, souvent en zone rurale», explique Anne Dujin, du Crédoc, centre spécialisé dans l'observation des conditions de vie. «Mais ce chiffre ne tient pas compte de tous ceux qui se restreignent, justement pour ne pas dépenser autant. Ces personnes sont plus jeunes et vivent souvent en milieu urbain, dans des logements collectifs mal isolés.»
Explosion des prix
Alors que la température conseillée est de 19 °C, «des familles vivent dans des logements où il fait 10 °C», assure Nicolas Mochnino, de l'UFC-Que Choisir. Du coup, «certains foyers adoptent des comportements dangereux pour gagner un peu de chaleur, comme laisser leur gazinière allumée», alerte Delphine Borne, juriste à Familles de France.
Si la précarité énergétique gagne du terrain en France, c'est à cause de la hausse des coûts de l'énergie. «Le gaz a augmenté de 70% depuis 2004, l'électricité de 30% depuis 2005, et le fioul a doublé depuis 2008», avance Thierry Saniez, délégué général de l'association CLCV. Ce n'est pas la seule raison: «Les familles sont attentives: elles voient de nouvelles lignes sur leurs factures et nous demandent pourquoi. Eh bien, il y a aussi de nouvelles taxes de l'Etat», assure Delphine Borne.
La priorité: rénover les logements
Se chauffer serait-il devenu un luxe? «C'est le cas pour ceux qui vivent dans la précarité», répond Nicolas Mochnino. Pour cet expert, «élargir les tarifs de première nécessité peut répondre à l'urgence, mais cela revient à traiter les symptômes et pas la maladie, qui est le logement. Si celui-ci est bien isolé, la facture est de 500 euros par an, dans le cas contraire, elle peut dépasser 2.000 euros. Et ce sont souvent les plus précaires qui vivent dans ces habitations… Les pouvoirs publics doivent trouver les moyens d'aider ces ménages à rénover leurs logements.»
Thierry Saniez voudrait également que le mode d'indexation du gaz soit revu: «Alors qu'il est de moins en moins cher sur le marché mondial, c'est le contraire en France, parce qu'il est indexé sur le pétrole.» Les associations de consommateurs comptent bien défendre ces positions à l'occasion du débat national sur la transition énergétique qui s'ouvre ce jeudi.