Téléphone au volant, mort au tournant?

Téléphone au volant, mort au tournant?

SÉCURITÉ ROUTIÈRE- Une campagne percutante qui démarre vendredi, met en lumière les dangers du portable en voiture...
Delphine Bancaud

Delphine Bancaud

Une campagne qui risque de choquer. Les associations Prévention routière et Assureurs prévention ont présenté ce jeudi, une vidéo interactive pour alerter les jeunes conducteurs sur les risques de l’usage du téléphone au volant. Elle sera diffusée dès vendredi et jusqu’au 26 novembre sur plusieurs sites (Facebook, Youtube, Allocine, Msn messenger, Blogband…) et sur enmodevoiture.com.

Son originalité: l’internaute pourra en se connectant sur son compte Facebook être l’acteur de la vidéo. Il sera plongé au cœur d’un accident, car il aura consulté son téléphone en conduisant. «Afin de rendre l’expérience encore plus marquante, l’internaute assistera à sa mort virtuelle et à la disparition symbolique de ses données personnelles sur Facebook (photos, posts…). On a insisté sur le côté dramatique pour tuer le risque d’accident dans l’œuf», explique Stéphane Penet, directeur de l’association Assureurs prévention.

Des comportements alarmants

Car l’enjeu est de taille selon François Pierson, président de l’association Prévention routière: «Il faut rappeler que les jeunes représentent 9% de la population française, mais 20% des tués sur les routes. Et qu’un accident corporel sur 10 est imputable à l’utilisation du téléphone au volant». Téléphoner en conduisant multiplie en effet, le risque d’accident par 5 s’il l’on tient son portable dans la main et par 4 si l’on utilise le kit mains libres. Or selon les baromètres des associations Prévention routière et Assureurs prévention sur le sujet réalisés en 1999, 2004 et 2011, l’utilisation du téléphone au volant a très fortement progressé, notamment chez les jeunes.

En 1999, 30% des 18-24 ans avouaient utiliser leur portable en voiture, ils étaient 44% en 2004 et 76% en 2011. En 2011, 90% d’entre eux s’en servaient pour prendre des appels, 41% pour appeler eux-mêmes, 33% pour lire des SMS ou des mails et 35 % pour en envoyer. Plus grave encore: la conscience du danger recule chez eux. En 2004, 61% d’entre eux considéraient que le téléphone au volant posait un problème de sécurité, ils n’étaient plus que 39 % à le penser en 2011.

«Pourtant, 32% des jeunes qui utilisent leur portable en roulant, déclarent avoir vécu des situations où ce comportement les a mis ou aurait pu mettre un autre conducteur en danger», souligne François Pierson. D’où l’impératif selon lui de taper fort pour marquer les esprits.

Pourquoi une telle dépendance au portable?

«Lorsqu’ils ont leur portable à la main, les jeunes ont l’impression de posséder le monde», explique Michael Stora, psychanalyste et expert des mondes numériques. «Cette hyper connexion leur permet de combler des moments de solitude. Le portable devient une sorte de doudou sans fil, puisqu’il les relie à leur tribu (amis, famille...). Leur page Facebook reste par exemple, éternellement ouverte, car elle agit comme un audimat intime. Ils cherchent à savoir si le lien qu’ils ont posté a recueilli suffisamment de commentaires. Cela leur permet de pallier leur fragilité narcissique. Ce que l’on observe, c’est donc avant tout une dépendance à l’autre et non pas à son téléphone. En conséquence, éteindre leur portable au volant, consisterait pour eux à accepter d’être seul et appauvrirait leur sentiment de puissance et de liberté. Par ailleurs, ils ont l’impression que les contraintes imposées par le Code de la route étouffent leur désir d’autonomie. Or, devenir adulte, c’est aussi accepter les règles, de se déconnecter, d’être un être parmi d’autres».