SECURITEAffaire Mohamed Merah: La DCRI critiquée en interne

Affaire Mohamed Merah: La DCRI critiquée en interne

SECURITEElle aurait ralenti l'enquête sur l'auteur des tueries de Toulouse et Montauban...
20 Minutes avec AFP

20 Minutes avec AFP

Les déclarations de deux agents de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) dans l'affaire Mohamed Merah, qui ont affirmé avoir alerté en amont sur la dangerosité du tueur de Toulouse, mettent à nouveau sur la sellette ce service qui se voulait un FBI à la française.

Le patron de la direction régionale (DRRI) de Toulouse, Christian Ballé-Andui, et «Hassan», un brigadier qui était chargé du suivi de Merah sous ses ordres, avaient envisagé dès juin 2011 la transmission au parquet du dossier du «tueur au scooter». Leurs supérieurs de la centrale n'auraient pas réagi à cette alerte, ont-ils raconté récemment au juge Christophe Teissier en charge de l'affaire Merah, selon des procès verbaux rendus publics par plusieurs médias dont Libération.

«La DRRI a été tenue à l'écart de l'enquête»

Les révélations de ces deux policiers ont été confimées par des sources policières dont certaines au sein même de la DCRI. «Il était connu qu'au lendemain des assassinats de militaires, ont expliqué ces sources, la DRRI a été tenue à l'écart de l'enquête» et «qu'elle avait alerté sur une possible piste islamiste et non de l'ultra droite comme il était alors envisagé».

Le commissaire et son subordonné ont aussi expliqué au juge s'être intéressés de près à Merah en 2009, puis en 2010 et 2011 après ses séjours en Afghanistan notamment, demandant, en vain, une enquête judiciaire. Le 14 novembre 2011, selon les propos des deux policiers confirmés par des sources policières, deux spécialistes de la DCRI ont entendu Merah, ne décelant aucun lien avec un éventuel réseau.

Des accusations «d'espionnite»

Peu après la DCRI a demandé d'abandonner les surveillances toulousaines et suggéré qu'il pourrait présenter un «intérêt» pour elle. En clair, selon le commissaire de Toulouse, qu'il était envisageable de le «recruter», comme la DCRI le fait avec «une minorité de personnes de même profil». Ces témoignages ont été considérés, par les sources, comme «rares» s'agissant d'agents d'un service sensible, de quelque 3.000 fonctionnaires, créé en 2008 sous l'impulsion de Nicolas Sarkozy. Il en avait confié les rênes à un proche, le préfet Bernard Squarcini.

Elles n'ont cependant «pas surpris»: Christian Ballé-Andui - qui doit prendre sa retraite en 2013 alors qu'«Hassan» a été muté en outre-mer pour des raisons de sécurité, selon les sources - n'a pas «fait mystère» de ce qu'il a dit sur PV lors des «nombreux débriefings» tenus après l'affaire Merah, ont-elles dit. Ces déclarations mettent à nouveau la DCRI dans l'embarras après des accusations «d'espionnite» qui ont visé Bernard Squarcini sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, ce qu'il a toujours nié.

Des «bouleversements à venir»

L'ex ministre de l'Intérieur Claude Guéant (UMP) a défendu jeudi l'attitude de la DCRI -et, partant, de son directeur - assurant qu'avant les tueries de Merah «jamais son comportement n'a révélé de dangerosité». Ces critiques étaient apparues «en creux», selon les sources policières, dans le rapport sur l'affaire Merah de l'IGPN (police des polices), rendu public le 23 octobre, mettant en exergue «plusieurs défaillances».

Ces mêmes sources précisent que les deux policiers ont donné «écho et crédit» à ce rapport et qu'une «réflexion de fond» sur le Renseignement français doit être menée. Au lendemain du rapport IGPN, le député PS Jean-Jacques Urvoas, à la tête depuis cet été d'une «mission d'évaluation» parlementaire à ce sujet et très écouté du ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, a sonné la charge. Pour lui apparaissent en creux les défauts induits par «la création de la DCRI» qui a succédé aux Renseignements généraux (RG). Des sources policières prédisent, pour certaines, un «grand coup de balai». D'autres évoquent des «bouleversements à venir».