Les capacités d'accueil limitéesLes SDF changent de visages

Les capacités d'accueil limitéesLes SDF changent de visages

social La crise a fait gonfler les besoins en hébergement d'urgence
Delphine bancaud

Delphine bancaud

Chaque année, c'est la même rengaine. Il manque des places d'hébergement. Selon un rapport de la Cour des comptes paru en décembre 2011, il y en aurait 82 890 pour au moins 150 000 sans-abri en France. Face à l'urgence, la ministre du Logement, Cécile Duflot, a annoncé la semaine dernière que 19 000 places supplémentaires seraient mobilisables pour cet hiver. Et en 2013, le budget de l'hébergement d'urgence augmentera de 13 %, ce qui permettra la création de 5 000 places. Des efforts encore insuffisants étant donné la violence de la crise. « A Paris, il manque environ 1 000 places pour loger les familles dans les hôtels et 3 000 dans les centres d'hébergement pour les personnes seules. Mais l'Etat a en ouvert 1200 le 1er novembre », explique Eric Molinié, président du Samu social de Paris. Pour développer les solutions, il suggère notamment de « pouvoir implanter des familles, par exemple à Vernon ou à Compiègne », ce qui n'est pas possible actuellement. De son côté, la Fnars approuve la possibilité de réquisitionner des bâtiments vides, suggérée par Duflot, en rappelant aussi l'importance de créer des places pérennes.d. b.La pauvreté s'étend et revêt de nouveaux visages. Alors que le plan hivernal débute jeudi, les professionnels de l'hébergement d'urgence s'alarment de l'augmentation du nombre de SDF et de la précarisation de personnes qui étaient jusqu'alors épargnées. « On est sorti du modèle SDF = homme seul âgé. Car avec la crise, de nouveaux publics se sont retrouvés à la rue », observe Florent Gueguen, directeur général de la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale (Fnars).

Les familles fragilisées
« Les femmes seules, qui se retrouvent en grande précarité après une séparation, sont venues grossir les rangs des sans-abri ces dernières années. Ce qui n'est pas sans poser problème, car les trois quarts des places en centre d'hébergement sont réservées aux hommes isolés », souligne Florent Gueguen. Autre constat : de plus en plus de familles, surtout monoparentales, se retrouvent à la rue. « En octobre 2011, elles représentaient 16 000 personnes logées dans les hôtels de Paris et de proche banlieue. Aujourd'hui, elles sont 19 000 », observe Eric Molinié, président du Samu social de Paris. « Ce sont souvent des familles de migrants sans papiers, mais aussi des Roms qui ont été expulsés de leurs camps. Sans oublier des couples de travailleurs pauvres avec enfants, qui ne parviennent plus à se loger avec la flambée de l'immobilier. » Autre phénomène récent : les graves difficultés économiques rencontrées par les pays d'Europe du Sud (Grèce, Espagne, Portugal, Italie) ont entraîné des migrations vers la France. « A Paris, le 115 reçoit de plus en plus d'appels de personnes nées dans ces pays ou qui étaient migrantes dans l'un d'eux », constate Eric Molinié. Un phénomène qui n'épargne pas le reste de l'Hexagone. « Dans certaines villes du Sud-Est et du Sud-Ouest, le 115 est saturé », note Florent Gueguen. « Et fait nouveau : certains territoires néoruraux qui étaient préservés doivent trouver des solutions d'hébergement d'urgence alors qu'ils ne disposent pas de parc d'accueil. »

Les invisibles en croissance

Selon le baromètre de la Fnars réalisé en juillet, 70 % des demandes d'hébergement faites au 115 dans 37 départements n'ont pas été satisfaites. « Beaucoup de ces personnes ont fini par se décourager et n'appellent plus le Samu social. Elles s'éloignent ainsi des structures sociales, ce qui les fragilise encore plus », affirme Florent Gueguen. Un phénomène qui inquiète les professionnels de l'accueil d'urgence.