Opération antiterroriste: L'islam se durcit en prison
RELIGION•Au contact des prêcheurs, certains détenus se radicalisent...Vincent Vantighem (avec Jean Christophe Magnenet, à Cannes)
«C’était un mec bien… Il voulait que j’éduque notre futur enfant dans le pur respect de la religion.» Interrogée par 20 Minutes, la compagne cannoise de Jérémy Sidney n’a pas fait mystère du radicalisme de celui qui était considéré comme la tête de pont d’une cellule islamiste. Abattu, samedi, par les forces de l’ordre lors de son arrestation, ce polygame de 33 ans avait été condamné, en 2008, à deux ans de prison pour «trafic de stupéfiants».
Si les enquêteurs tentent encore de retracer son parcours, il pourrait bien s’être radicalisé lors de son séjour derrière les barreaux. En inaugurant la Grande Mosquée de Strasbourg (Bas-Rhin), le 27 septembre, Manuel Valls, le ministre de l’Intérieur, a en effet mis en garde la communauté musulmane, assurant que «l’islam radical prospérait en prison».
«Il prêchait au milieu de la cour»
Avec l’interdiction des statistiques ethniques, il est impossible de connaître la réalité de l’islam et donc de l’islam radical dans les prisons françaises. «Mais il y a effectivement quelques cas difficiles qui font du prosélytisme», reconnaît Léonard Lopez, de l’association Sanâbil, qui vient en aide aux détenus musulmans. L’avocat Dominique Many en a défendu un qui avait le projet de partir combattre en Irak. «Il y a une espèce d’aura autour des détenus qui parlent d’Afghanistan ou d’Irak. Les jeunes sont des réceptacles, ils les considèrent comme des résistants, confie-t-il. Mon client a dû être transféré, car il prêchait au milieu de la cour. Il a recommencé dans la prison où il avait été déménagé. Les surveillants sont démunis…»
Pourtant, ces détenus un peu spéciaux sont cernés. «Notre service de renseignement interne s’est développé ces derniers temps, confie une source proche de l’administration pénitentiaire. Mais hors de question de nous épancher sur ce sujet précis.»
150 aumôniers musulmans
Les derniers à l’avoir fait sont les chercheurs de l’Institut national des hautes études de sécurité (Inhes). Lors d’un colloque en 2008, ils avaient dénombré 340 détenus «radicaux» ou «en voie de radicalisation» sur les 64.000 prisonniers
que la France comptait à l’époque. «C’est difficile de se radicaliser en prison, pense de son côté Moulay El Hassan El Alaoui Talibi, aumônier national musulman des prisons. Entre la présence des surveillants et la nôtre, c’est vite décelé.» Le problème, c’est que les aumôniers musulmans ne sont pas légion.
Alors que la communauté catholique en compte 655 et les protestants, 317, il n’y a aujourd’hui que 150 représentants du culte musulman dans les établissements pénitentiaires. Le qu’il allait en recruter quinze de plus l’année prochaine.