Amiens: «On ferait mieux de leur trouver du boulot»
SECURITE•Un mois après les émeutes, «20 Minutes» s'est rendu à Amiens...William Molinié
De notre envoyé spécial à Amiens
Le plastique fondu des poubelles incendiées jonche encore le bitume des quartiers nord. Stigmates des violences urbaines d'Amiens, survenues il y a un mois, le 13 août dernier, à la suite d'un contrôle routier qui a mal tourné, en marge de l'enterrement d'un jeune homme de 20 ans.
Le moindre incident est prétexte à l'embrasement: mercredi dernier, le simple contrôle d'identité d'un usager de deux-roues a nécessité l'appui de plusieurs camions de CRS. «Fallait qu'on se fasse respecter. Leur montrer aux flics qu'ils avaient abusé de sortir les bombes lacrymos pendant un enterrement. Mais les émeutes n'ont rien changé. On a encore plus la haine, raconte un jeune homme, au pied des bâtiments de brique rouge de la rue Fafet. Pour la majorité des gens, mon quartier, c'est juste pour acheter du shit. Ils ne voient pas comment on galère ici.» Plus loin, Ali, 50 ans, connaît bien certains jeunes qui ont embrasé la ville, classée en zone de sécurité prioritaire par Manuel Valls. «La seule chose que les gamins voient de l'Etat, ce sont les descentes de cars de CRS. On ferait mieux de leur trouver du boulot.»
«On a reçu l'ordre de ne pas intervenir»
Selon lui, si les jeunes ont brûlé la salle de musculation du quartier, c'est parce qu'ils étaient souvent refoulés à l'entrée. Dans le quartier voisin de Marivaux, plus calme, Edwige, 35 ans, redoute les «mauvaises fréquentations» de sa fille de 13 ans à l'école. «J'aimerais que les profs parlent des émeutes au collège avec les gamins pour libérer leur parole», insiste-t-elle.
Plusieurs lampadaires détruits sont toujours couchés dans certaines cités. «On a reçu l'ordre de ne pas intervenir et laisser faire en attendant les renforts promis par le ministère», explique un policier. Les dégâts des émeutes sont estimés à 6 millions d'euros. Sans compter le préjudice en termes d'image. «Certaines entreprises ont gelé leur participation dans des opérations d'accession à la propriété, regrette Francis Lec, vice-président en charge de la politique de la ville. Nous devons repartir à la reconquête de l'opinion extérieure pour valoriser les 90% de la population d'Amiens.»