«Monstre sacré», la minisérie qui fait écho à l’affaire Weinstein
SCANDALE•Cette minisérie britannique met en scène une star comique accusée d’agressions sexuelles et de viol…Anne Demoulin
Une histoire fictive qui résonne avec l’actualité. Dans la mini-série britannique en quatre épisodes, Monstre sacré (National Treasure), diffusée sur Arte ce jeudi à 20h55, Paul Finchley, une immense star comique de la télé britannique en fin de carrière, est accusé d’agressions sexuelles et de viol, pour des faits qui remontent à plus de vingt ans. Comment ces allégations dévastatrices vont ébranler son honneur, sa popularité, sa famille et ses proches ? Monstre sacré explore avec finesse la déflagration et les ressorts peu reluisants d’un scandale sexuel.
Une série britannique multiprimée
Monstre ou vieille légende injustement accusée ? « Paul est un homme qui pourrait être innocent ou coupable. Nous allons l’examiner de tous les côtés et poser cette grande question : “Connaissons-nous vraiment les personnes les plus proches de nous ?”», résume au Guardian le scénariste, Jack Thorne (Skins, This Is England, Panthers), ce dramaturge britannique à qui l’on doit aussi l’adaptation d’Harry Potter et l'Enfant maudit au théâtre.
Pour servir son propos, justement, deux ex-recrues de Poudlard. Robbie Coltrane, connu pour son rôle de Hagrid dans la saga Harry Potter, prête sa bonhomie à l’accusé Paul Finchley. « L’important n’est pas qu’il soit coupable ou non, mais que sa vie s’effondre comme une falaise », commente le comédien.
Dans le rôle de son épouse Marie Finchley, Julie Walters, connue du grand public pour avoir interprété Molly Weasley, la mère de Ron, dans les aventures du jeune sorcier. Soutiendra-t-elle son mari jusqu’au bout ? « C’est la première question que j’ai posée au réalisateur Marc Munden (Utopia) raconte l’actrice. Pourquoi Marie reste-t-elle avec cet homme ? La réponse est dans le scénario, dans la foi avec un grand F, dans le pardon et la loyauté. »
Auréolée du FIPA d’Or du meilleur scénario au Festival International de Programmes Audiovisuels de Biarritz, Monstre Sacré peut également ajouter à son palmarès trois BAFTA Awards, l’équivalent anglais des Césars, dont celui de la meilleure mini-série et le prix du Meilleur Acteur au Festival de Monte-Carlo pour Robbie Coltrane.
Une série qui résonne avec l’actualité
En pleine déferlante #MeToo, Monstre Sacré trouve une résonance particulière l’affaire Harvey Weinstein, et plus encore avec l’affaire Bill Cosby, décrit par sa femme, Camille Cosby comme « un homme bon, généreux, drôle, un merveilleux mari, père et ami ».
Diffusée au Royaume-Uni à la fin 2016, la série se réfère en réalité au scandale sexuel qui a secoué la Grande-Bretagne en 2012 autour de l’animateur adulé de l’émission culte Top of the Pops, Jimmy Savile, décédé fin 2011. Dans le documentaire, L’Autre Visage de Jimmy Saville, diffusé en octobre 2012 sur ITV, cinq femmes y racontaient avoir été abusées par l’animateur adulé de l’émission culte dans les années 1960 et 1970, alors qu’elles étaient mineures.
L’enquête ouverte, à la suite de la diffusion du documentaire, avait montré que la star avait violé un nombre incalculable de personnes, dont de nombreux enfants, sous couvert d’opérations de charité dans des hôpitaux. La BBC, chaîne publique où Jimmy Savile a œuvré pendant des décennies, avait été éclaboussée par le scandale et soupçonnée d’avoir fermé les yeux sur les agissements de son animateur. Certains abus sur des jeunes filles, attirées par la promesse d’un moment privilégié avec la star, avaient eu lieu dans les locaux de la chaîne.
Depuis, l’opération Yewtree, l’enquête policière sur les abus sexuels perpétrés par Jimmy Savile et les allégations contre d’autres personnalités médiatiques, a permis l’arrestation de 17 personnalités soupçonnées d’avoir profité de leur notoriété pour abuser de jeunes femmes et d’enfants.
Une série qui sème le doute
Ce vieux comique du petit écran, adoré du public, est-il un violeur comme Jimmy Savile ? Monstre sacré donne du fil à retordre aux téléspectateurs en quête d’intime conviction, le doute est maintenu jusqu’au bout.
Avec sa corpulence, sa canne et ses airs de chien battu, Paul Finchley inspire au fil des épisodes aussi bien la compassion que l’aversion, l’empathie que la répulsion. Ce qui est touchant un instant dans son physique disgracieux devient tout à coup glaçant, répugnant, ou pathétique.
Le scénario subtil de Jack Thorne place le téléspectateur dans l’ambivalence permanente et entretient le suspense. Monstre sacré dépeint tout à la fois la relation d’emprise complexe entre une vedette et ses fans, un monde audiovisuel machiste et hypocrite, enclin aux abus sexuels, les ravages familiaux provoqués par la pression médiatique d’un tel scandale, ou encore le cynisme des avocats prêts à tout pour discréditer les plaignantes. Une dissection, exempte de tout manichéisme, des liens complexes entre célébrité, le sexe et le pouvoir.