«À musée vous, à musée moi» : Quand Arte donne vie aux toiles de maîtres
PROGRAMME COURT•Le réalisateur Fabrice Maruca a confié à 20 Minutes tous les secrets de fabrication de ce programme hilarant qui anime les personnages des plus grands tableaux…Anne Demoulin
Une exposition qui n’a rien d’académique ! Jusqu’au 4 mars, les toiles de maîtres s’animent dans des sketchs loufoques et décalés chaque soir, sauf le mardi, à 20h45 sur Arte dans la série courte A musée vous, à musée moi, créée par Fouzia Kechkech, avec la voix de Joey Starr en guise de générique. Comment le réalisateur et scénariste Fabrice Maruca (La Minute Vieille) a-t-il réussi à donner vie aux personnages de 10 chefs-d’œuvre ?
Négocier avec les ayants droit de Norman Rockwell
La première saison compte 30 épisodes de deux minutes trente environ autour de 10 tableaux : La Joconde de Leonard de Vinci, American Gothic de Grant Wood, Arlequin et Pierrot d’André Derain, Le Tricheur à l’as de carreau de Georges de La Tour, Dans la Serre de Edouard Manet, Triple portrait de Richelieu de Philippe de Champaigne, Les Amants III de René Magritte, Les Raboteurs de parquet de Gustave Caillebotte, The Problem We All Live With de Norman Rockwell, Autoportrait de Degas et Evariste de Valernes d’Edgar Degas. « Chaque tableau est décliné en trois épisodes, trois histoires différentes par œuvre », résume le réalisateur Fabrice Maruca lors du dernier Festival de la Fiction TV de La Rochelle.
Une œuvre tombe dans le domaine public soixante-dix ans après la mort de l’auteur. « C’est plus compliqué pour les tableaux plus contemporains. Fouzia Kechkech travaille avec l’Adagp (Société des Auteurs dans les Arts graphiques et plastiques) qui gère les droits des œuvres. La fille de Norman Rockwell a lu les textes avant de donner son accord. On voulait un Fernando Botero, mais il ne nous a jamais répondu », explique le réalisateur.
Trouver le sosie de Mona Lisa
La production avait réalisé un dossier de vingt pages sur chaque œuvre traitée. « L’idée était de transmettre, en plus du nom du peintre et de l’année, une ou deux infos par épisode, il fallait que ce soit informatif, sans être chiant », confie le réalisateur.
Au fil des épisodes, 22 acteurs font « parler avec des mots aujourd’hui des gens du passé ». « Le casting a facilement duré six mois. Il fallait trouver des acteurs qui jouent bien et qui ressemblent vraiment aux personnages des tableaux », explique Fabrice Maruca.
Trouver le sosie de Mona Lisa, campée par Barbara Bolotner, n’a pas été une mince affaire. « C’était compliqué aussi parce que la Joconde est seule dans le tableau, c’est pourquoi on a imaginé cette histoire d’appel à son agent, Dominique Besnehard, puis celle de Tinder où elle matche avec d’autres tableaux, et enfin celle avec le gardien le musée. Pendant le tournage, je donnais la réplique à Barbara via une oreillette », se souvient Fabrice Maruca.
Commander le même tissu que dans « American Gothic »
« On a tourné avec deux caméras. L’une filmait toujours en plan large, comme aux contours du tableau. Les acteurs démarraient immobiles, prenaient progressivement vie et devaient retrouver la position de départ exacte à la fin de l’épisode », explique le réalisateur.
La quasi-totalité des épisodes a été filmée « en décors réels ». « Pour La Joconde, l’arrière-plan a été entièrement peint par le décorateur. Pour le tableau de Manet, on a recréé une vraie serre avec de la vraie végétation. Pour Les Raboteurs de parquet, c’était du vrai parquet », détaille le réalisateur. « Le Triple portrait de Richelieu sur fond noir et Les Amants III, avec sa tête qui vole, ont nécessité de tourner sur fond vert », poursuit-il.
Un soin tout particulier a été accordé aux costumes et aux « barbes et postiches ». « Sonia Ancilotti, costumière au Théâtre de la Ville, a même poussé la minutie à commander le même tissu que celui du tableau American Gothic aux Etats-Unis », raconte le metteur en scène. C’est parce que le résultat est bluffant que les répliques sont hilarantes.