«Chroniques de Clichy-Montfermeil», une fresque documentaire, signée JR
documentaire•Le photographe et artiste JR signe avec son complice Ladj Ly une série documentaire courte pour la plateforme pour mobiles Blackpills…Anne Demoulin
L'essentiel
- JR a réalisé une fresque monumentale avec les habitants de Clichy-Montfermeil, épicentres des émeutes en 2005
- La série montre la réalisation de cette fresque et plonge le spectateur au cœur de la cité
- Clichy-Montfermeil est le fil rouge du travail de l’artiste
Le portrait tendre et touchant d’une cité à fleur de peau. Chroniques de Clichy-Montfermeil, programme court en 7 épisodes disponible gratuitement ce lundi sur la plateforme de séries pour mobile Blackpills, montre comment l’artiste urbain et photographe contemporain JR a réalisé une fresque monumentale réunissant quelque 800 visages des deux communes de la région parisienne, Clichy et Montfermeil, épicentres des événements survenus en banlieue à l’automne 2005. Au travers de cette galerie de portraits des habitants de la cité, cette série documentaire, coréalisée avec le compère de toujours de JR, le réalisateur Ladj Ly, dessine en filigrane l’histoire de ce territoire, utopie urbaine des années 1960 devenue ghetto, encore meurtrie par les émeutes.
« On a commencé avec la fresque »
A l’origine de cette série documentaire, un projet de fresque, une mosaïque humaine avec 800 figures du quartier. Une œuvre, inspirée par les peintures murales de Diego Rivera, de 40 mètres de long et 4 mètres de haut, d’abord exposée au Palais de Tokyo à Paris pendant dix jours, puis collée le 19 avril 2017 sur un mur de l’avenue Jean-Moulin, axe qui relie Clichy à Montfermeil, au cœur de la cité des Bosquets et en lisière de la forêt de Bondy en Seine-Saint-Denis.
« Lorsqu’on a commencé avec la fresque, on ne savait pas que ce serait une œuvre pérenne, que le président de la République viendrait, on l’espérait, mais on n’y avait pas pensé !», confie JR.
« Là où j’ai collé mes premières grandes photos »
Entre l’artiste et Clichy-Montfermeil, le lien est tout aussi durable. « C’est là où j’ai collé mes premières grandes photos », se souvient-il. « J’ai commencé là-bas, je n’étais pas un artiste, je faisais juste des graffitis, je n’avais pas de vision claire. Ce que je sais, c’est que ces années entre mes 17 et 19 ans ont forgé ce que je fais aujourd’hui », confie-t-il.
Clichy-Montfermeil est le fil rouge du travail du duo. « Comme le dit un habitant dans la série documentaire, “chacun était maître de son quartier”, on jouissait d’une grande liberté. Lorsque je collais mes premières affiches, je ne pensais pas que j’allais me faire prendre par la police, je n’aurais jamais pu faire ça ailleurs. On a eu la chance de pouvoir travailler libres, c’est inspirant. C’est difficile de retrouver des zones comme ça », commente JR.
« L’excuse parfaite pour croiser toutes ces images »
La série suit les figures du quartier sur plusieurs années. « Avec le collectif Kourtrajmé, on avait des images de 1997, 2001, 2004, etc. Notre objectif était alors de documenter. Avec Ladj, nous sommes des témoins, pas des maîtres de ce qui s’est passé », explique JR.
A la suite d’une première exposition sauvage sur les murs de la Cité des Bosquets, JR s’installe de 2004 à 2006 en plein cœur de ce quartier et de la cité voisine de la Forestière à Clichy-sous-Bois. Le photographe y tire le Portrait d’une Génération, des portraits de jeunes de banlieue qu’il expose, en très grand format, dans les quartiers bourgeois de Paris.
Ladj Ly y braque sa caméra en 2005 avec le documentaire 365 jours à Clichy Montfermeil. JR et Ladj Ly y réalisent encore un court-métrage, Les Bosquets, avec des danseurs du New York City Ballet en 2014.
« Avec Ladj Ly, on a fait un gros mash-up. Le travail sur la fresque était l’excuse parfaite pour croiser toutes ces images. On s’est dit : “retournons dans les archives” », commente JR.
« Tout un quartier a créé une révolution »
Grâce à cette série, JR et Ladj Ly font entrer la banlieue dans l’univers de ceux qui n’y vont jamais. « Montfermeil a connu des moments difficiles, tout un quartier a créé une révolution. Aujourd’hui, les Bosquets se sont métamorphosés pour le mieux. Ce qui est intéressant, c’est que les gens regrettent l’ambiance qui régnait à la Forestière, mais ce n’était pas un endroit vivable », analyse JR. Avec ses Chroniques de Clichy-Montfermeil, la banlieue a un visage et ressemble à un village.