Biologie de synthèse ou comment "créer du neuf": risques et promesses
Biocarburants, nouvelles thérapies plus ciblées : les applications ...© 2012 AFP
Biocarburants, nouvelles thérapies plus ciblées : les applications potentielles de la biologie de synthèse sont "considérables", selon un rapport parlementaire qui invite à "maîtriser les risques" liés à cette manipulation du vivant et à favoriser une "discussion publique sereine".
Cette discipline nouvelle conduit à "industrialiser la biologie" et à "créer du neuf" à partir de "briques du vivant", selon des termes utilisés par des biologistes de synthèse et experts interrogés en France, en Amérique du nord et dans plusieurs pays européens par Geneviève Fioraso, députée de l'Isère.
"La révolution de ce siècle concernera les sciences du vivant", a assuré Mme Fioraso en présentant mercredi son rapport sur les "enjeux de la biologie de synthèse" réalisé dans le cadre de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST).
Voyant dans la biologie de synthèse, une "rupture" ouvrant la voie à un large éventail d'applications "avérées ou pressenties", Mme Fioraso estime que leur "acceptabilité" par la société "dépendra de la qualité du dialogue entre la communauté scientifique, les politiques et les citoyens".
Les techniques d'ingénierie génétique peuvent permettre de produire à un coût réduit un médicament contre le paludisme, l'artémisinine, ou une hormone aux propriétés anti-inflammatoires, l'hydrocortisone, grâce à des levures transformées en "usines vivantes".
Créer des alternatives aux énergies fossiles grâce à des bactéries génétiquement modifiées produisant de nouveaux biocarburants et lutter contre la pollution figurent également parmi les projets mis en avant. Des bactéries ont déjà été utilisées dans le nettoyage de marées noires.
Favorable à un "développement maîtrisé, en toute transparence" d'une "véritable filière" allant de la recherche fondamentale aux applications industrielles, Mme Fioraso insiste sur la nécessité d'informer le public "sans cacher les risques potentiels" de la biologie de synthèse.
Les chercheurs interrogés divergent sur l'appréciation des risques. Pour certains, plus un micro-organisme est modifié génétiquement, plus il devient vulnérable dans le milieu naturel, faute de pouvoir s'y adapter, ce qui garantirait un niveau de sécurité élevé.
D'autres experts n'excluent pas la possibilité d'une dissémination mal contrôlée, conduisant à des croisements non souhaités avec d'autres organismes, et à une prolifération menaçant la biodiversité.
Au delà du confinement des organismes vivants artificiels créés, les chercheurs envisagent de faire dépendre leur survie d'aliments non présents dans l'environnement naturel, ou de programmer leur autodestruction - gène "terminator" - au cas où ils s'échapperaient du laboratoire.
Sans préconiser de nouvelles réglementations "à ce stade de développement de la biologie de synthèse", Mme Fioraso recommande la "création d'un cadre international pour l'évaluation des risques", car "les pandémies n'ont pas de frontières".
Il faudrait, dit-elle, mettre en place "une instance permanente au niveau mondial, dans l'esprit du GIEC", le groupe d'experts sur l'évolution du climat, pour réfléchir aux questions de "biosécurité et bio-sûreté, préalablement à toute mise sur le marché de produits issus de la biologie de synthèse".
Estimant qu'un "monopole détestable", celui de Monsanto, a porté préjudice à la recherche sur les OGM, Mme Fioraso recommande de prévenir "une pratique abusive du brevetage" et de créer un cadre juridique préservant "l'accès public aux connaissances" sur le vivant.