Il y a 30 ans, cinq cas de pneumonie marquaient l'identification du sida

Il y a 30 ans, cinq cas de pneumonie marquaient l'identification du sida

5 juin 1981: un bref compte-rendu de cinq cas d'une pneumonie rare, qui d'ordinaire n'affecte pas les personnes en bonne santé, publié par la revue des épidémiologistes américains d'Atlanta, donne l'alerte et marque l'identification du sida.
© 2011 AFP

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5 juin 1981: un bref compte-rendu de cinq cas d'une pneumonie rare, qui d'ordinaire n'affecte pas les personnes en bonne santé, publié par la revue des épidémiologistes américains d'Atlanta, donne l'alerte et marque l'identification du sida.

Trente ans après, cette mystérieuse maladie, qui n'avait pas encore de nom, s'est transformée en épidémie planétaire et a déjà tué plus de 25 millions de d'êtres humains.

A l'époque, en France, une poignée de personnes recevaient ce bulletin hebdomadaire du CDC (Centre de contrôle des maladies), le "MMWR" (Morbidity and Mortality Weekly Report). Parmi eux, Willy Rozenbaum, jeune chef de clinique de l'hôpital Claude-Bernard à Paris. Dans la matinée du 7 juin 1981, il en lit la dernière livraison datée du 5 juin : cinq jeunes hommes homosexuels (29 à 36 ans) ont été traités entre octobre 1980 et mai 1981 d'une pneumonie à Pneumocystis (la pneumocystose) dans trois différents hôpitaux de Los Angeles en Californie. Deux sont morts. Le texte est une alerte.

"Exceptionnelle à l'époque", cette forme de pneumonie ne lui est pas étrangère : "je faisais de la néphrologie et chez les greffés du rein, c'était l'une des complications que l'on redoutait", raconte-t-il.

L'après-midi, il est en consultation: "Se présente alors un steward et son petit copain". "Il me dit qu'il tousse, a une fièvre qui dure, des diarrhées". Il a maigri. "Je lui fais passer une radio qui montre une image de pneumonie et là, aussitôt je fais le lien avec l'article".

La confirmation du diagnostic de pneumocystose arrive 15 jours après.

Cette pneumonie ne frappait habituellement que des sujets fortement immunodéprimés (malades du cancer, transplantés sous immunosuppresseurs antirejet...). "Il fallait éliminer un déficit immunitaire, une maladie hématologique, un cancer de type lymphome, une exposition à des produits toxiques" comme par exemple les "poppers", inhalés par les gays pour agrémenter leurs performances sexuelles.

Le 4 juillet 1981, nouvel article du MMWR, intitulé "Sarcome de Kaposi et pneumocystose chez des hommes homosexuels - New York et Californie". Ce cancer très rare de la peau a été diagnostiqué chez 26 hommes (20 à New York et 6 en Californie). Huit en sont morts. Tous sont homosexuels.

On commence à parler du "cancer gay", de "gay syndrome". Mais on s'aperçoit assez vite que ce mal mystérieux ne se cantonne pas aux homosexuels. Il prendra en 1982 le nom de sida, acronyme de syndrome de l'immunodéficience acquise.

"Dès août 81, on savait que ce syndrome inexpliqué ne touchait pas que des homosexuels", souligne le Pr Rozenbaum. Celui-ci se souvient avoir interrogé le pneumologue Charles Mayaud, qui a retrouvé deux cas inexpliqués chez une Zaïroise et une Française ayant vécu dans ce pays. "Cela nous a mis sur la piste africaine", dit-il, en évoquant le petit groupe (virologue, cliniciens...) qui s'intéresse très tôt à la maladie, ce qui aboutira à la découverte du virus.

Le clinicien a prélevé le ganglion qui a permis l'isolement du virus à l'Institut Pasteur. Mai 1983, la découverte paraît dans la revue Science, il est l'un des nombreux cosignataires aux côtés des Prs Luc Montagnier, Françoise Barré-Sinoussi et Jean-Claude Chermann.

Alors que les risques de contamination par transfusion sanguine sont évoqués dès les premières années aux Etats-Unis, l'affaire du sang contaminé n'éclatera en France qu'au début des années 1990.

En 1996, l'arrivée des trithérapies fait chuter considérablement la mortalité.

Il n'y a toujours pas de vaccin anti-sida, mais les traitements, à défaut de guérir, permettent de contrôler la maladie et, selon le Pr Rozenbaum, aujourd'hui à la tête du Conseil national du sida, "l'espérance de vie des patients bien pris en charge rejoint celle de la population générale".

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