ENFANCELes bébés communiquent bien mieux que nous le pensions

Linguistique : Pourquoi les bébés communiquent bien mieux que nous le pensions

ENFANCEDécouvrez, chaque jour, une analyse de notre partenaire The Conversation. Ce lundi, une universitaire dévoile ses découvertes en matière de protocommunication
20 Minutes avec The Conversation

20 Minutes avec The Conversation

L'essentiel

  • Les affirmations signalant l’impossibilité de la protocommunication chez les bébés ne seraient plus d’actualité, selon notre partenaire The Conversation.
  • De récents travaux permettent en effet de constater un contact bien établi entre bébés, ainsi que la réussite à instaurer des échanges
  • Cette analyse a été menée par Yelly Hernandez, docteure en sciences du langage à l’université Paris Cité.

La littérature consacrée à l’étude des premières capacités cognitives et linguistiques chez l’enfant, affirme d’ouvrage en ouvrage l’impossibilité de l’existence d’une protocommunication chez l’enfant de moins de 1 an.

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Le protocommunication est l’acquisition chez le bébé de l’aspect communicatif de l’acquisition du langage, essentiellement de l’attention conjointe, qui prépare les mécanismes de base du dialogue : l’alternance des tours de parole (quand le parent parle, le bébé se tait), la continuité (le bébé n’interrompt pas une interaction, il répond toujours au parent), la synchronie interactionnelle (par exemple si le parent sourit, le bébé sourit).

Dans cet article, nous nous concentrerons sur la relation mère-enfant, car c’est la plus étudiée dans la littérature scientifique.

​Des informations datées

Certaines pseudo-connaissances ont été transmises d’ouvrages en ouvrages sans qu’elles soient vérifiées scientifiquement, par exemple :

  • Ce ne serait que vers le 9e mois que les bébés commenceraient à effectuer des échanges communicatifs intentionnels avec des adultes. Avant cet âge, ses mouvements seraient purement réflexes.
  • Ce ne serait seulement à partir du 12e mois qu’ils seraient capables de coordonner le mouvement d’extension du bras et de l’index pour signaler qu’ils veulent diriger l’attention de l’adulte ou qu’ils veulent que l’adulte lui atteigne un objet.
  • Ce ne serait qu’entre les 12-18 mois que ces actes de communication se diversifient.

En réalité, de nouvelles études démontrent le contraire. Traditionnellement, l’étude de la naissance de la parole chez l’enfant se centre sur l’analyse de l’interaction entre mère et enfant.

Le modèle théorique universel dégagé de ces interactions met l’accent sur l’organisation de la communication à partir de l’association du regard et du geste entre l’enfant, un objet et l’adulte (c’est le concept de l’attention partagée/triangulaire ou conjointe).

Tandis que les auteurs inscrivent l’impossibilité des bébés de posséder et encore moins, de faire usage des moyens prélinguistiques, il se trouve que cette méthode de répétition des informations ne rend plus compte de la réalité.

​Mettre à jour nos connaissances

La seule méthode qui permet la mise à jour de ces connaissances est l’analyse des enregistrements des interactions réelles par le recueil régulier d’un même groupe d’enfants et pendant une certaine période.

Les bébés de 5 à 11 mois sont déjà capables de mettre en place plusieurs types de procédés protocommunicatifs
Les bébés de 5 à 11 mois sont déjà capables de mettre en place plusieurs types de procédés protocommunicatifs - StockVault / Pixabay

Dans mon travail de recherche, je démontre que les affirmations signalant l’impossibilité de la protocommunication chez les bébés ne sont plus d’actualité.

Il ressort de ces analyses que les bébés âgés de 5 à 11 mois sont déjà capables de mettre en place plusieurs types de procédés protocommunicatifs tels que :

  • Différents types d’attention conjointe (le bébé et la maman regardent vers le même objet)
  • Différents types d’interaction (deux à trois bébés qui essaient d’attraper un même objet)
  • Différents types de protoactes du langage, (un bébé qui pointe vers un objet pour qu’un autre bébé atteigne l’objet)

Dans le champ de la linguistique, rares sont les études qui considèrent l’interaction entre pairs en très bas âge en étape prélinguistique.

Une partie de mes travaux de recherche a consisté à filmer des bébés de 5 à 11 mois pendant six mois une fois par semaine. L’analyse des séquences vidéo permet de relever une liste de signes au niveau protodialogique, permettant de constater un contact bien établi entre bébés ainsi que la réussite à instaurer des échanges.

Ces éléments permettent d’affirmer que les bébés de 5, 6 et 7 mois se sont engagés dans des épisodes d’attention conjointe. Ils montrent une capacité à gérer leurs contacts. Ils ont acquis un certain degré de compétences dans différents domaines comme l’attention conjointe, l’alternance des tours de parole, la synchronisation ou les interactions.

Les résultats de cette étude permettent par ailleurs de souligner que les caractéristiques des procédés protocommunicatifs mis en place entre bébés se révèlent plus performants que celles des procédés entre mère et enfant, inscrits et répertoriés dans la littérature ancienne.

Pour conclure, je dresse une liste des bénéfices au niveau de l’acquisition du langage et de la communication qu’entraîne la pratique des procédés protocommunicatifs entre pairs d’âge de 5 à 11 mois concernant :

  • l’attention conjointe
  • les compétences du bébé dans l’organisation du prédialogue
  • l’alternance de tours de rôles
  • la synchronie interactionnelle
  • les réactions anticipatrices
  • l’intentionnalité dans les productions vocales
  • les protoactes du langage
  • l’interaction

Les résultats de toute recherche constituent des apports scientifiques et pratiques qui serviraient à améliorer notre qualité de vie. Que peut-on retenir de ces nouvelles recherches ?

Selon Laurent Danon-Boileau, professeur émérite de l’Université René Descartes :

« Cette considération novatrice est particulièrement intéressante du point de vue des conceptions générales de l’acquisition et de la relation de communication entre pairs et communication adulte/enfant. Elle pourrait avoir certaines incidences sur la prise en charge des très jeunes enfants. »

Notre dossier « Bébés »

Pour aller plus loin, il faudrait un autre travail de recherche qui pourra mettre en relation les nouvelles données avec le système institutionnalisé de prise en charge du jeune enfant en travaillant directement avec des psychologues, et des personnes qui prennent en charge les enfants.


Cet article est réalisé par The Conversation et hébergé par 20 Minutes.