EQUILIBRELes secrets des « pierres zen » du lac Baïkal enfin révélés

Images de science : La formation des « pierres zen » du lac Baïkal enfin expliquée

EQUILIBREDécouvrez, chaque jour, une analyse de notre partenaire The Conversation. Ce lundi, des chercheurs expliquent comment naissent ces improbables structures naturelles
20 Minutes avec The Conversation

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L'essentiel

  • Les « zen stones » sont des pierres qui reposaient initialement sur une surface gelée et se retrouvent en équilibre délicat au sommet d’un piédestal de glace, selon notre partenaire The Conversation.
  • Ce phénomène serait dû à l’ablation différentielle de la glace, c’est-à-dire une disparité dans sa vitesse de sublimation (et donc d’érosion) sous le galet et loin du galet.
  • Cette analyse a été menée par Nicolas Taberlet, maître de conférences en physique, et Nicolas Plihon, directeur de Recherche CNRS (tous deux à l’École Normale Supérieure de Lyon).

Avez-vous déjà succombé au plaisir coupable de jeter une pierre sur un lac gelé, dans l’espoir de briser la couche de glace ? Sur les rives du lac Baïkal, situé en Sibérie, toute tentative est vouée à l’échec, car la glace atteint au cours des mois d’hiver une épaisseur d’un à trois mètres.

Cependant, au fil du temps, la déception initiale peut se transformer en stupeur lorsque les conditions météorologiques sont favorables : la pierre qui reposait initialement sur la surface gelée se retrouve en équilibre délicat au sommet d’un piédestal de glace. Ce phénomène rare, appelé « zen stones », en référence aux jardins japonais qui présentent des empilements de galets en équilibre, demeurait jusqu’à présent inexpliqué.



Au cours de l’hiver, l’épaisseur de la glace varie : elle peut croître sur sa face inférieure (lorsque l’eau du lac gèle), mais elle diminue également sur sa face supérieure. Si en Europe occidentale cette diminution est due à la fonte, les conditions météorologiques particulières de la région du lac Baïkal conduisent la glace à se « sublimer ».

Une vaporisation aux effets surprenants

Ce changement d’état de l’eau, peu courant dans la vie quotidienne, fait que la glace se vaporise directement dans l’atmosphère sans passer par sa phase liquide. La glace du lac Baïkal se sublime et conduit à des taux d’ablation de quelques millimètres par jour de la face supérieure du lac.

Nos travaux ont montré que la formation des « pierres zen » est due à l’ablation différentielle de la glace, c’est-à-dire une disparité dans sa vitesse de sublimation (et donc d’érosion) sous le galet et loin du galet. La face supérieure de la glace diminue constamment partout sur le lac mais ce processus, qui a besoin de la lumière du jour, est entravé par la présence d’un galet, dont l’ombre crée un déficit dans l’apport d’énergie solaire.

Ainsi, contrairement à une croyance répandue selon laquelle le pied pousse sous le galet, ce dernier protège la glace sur laquelle il repose, alors que le reste de la surface du lac gelé s’abaisse. Ce processus est analogue à la formation des cheminées de fée, pour lesquelles un rocher solide protège une colonne de sédiment moins résistant à l’érosion due aux pluies et au gel.

​Le lac Baïkal au laboratoire

Nous avons reproduit à petite échelle la formation des « pierres zen » en laboratoire à l’aide d’un « lyophilisateur ». Cet appareil contient une chambre hermétique dans laquelle les faibles pression et température conduisent à la sublimation de la glace.

Un cylindre de métal de quelques centimètres initialement posé sur un bloc de glace se retrouve après quelques heures au sommet d’un délicat piédestal. Nous avons choisi d’utiliser des métaux car leurs propriétés thermiques (conductivité, capacité calorifique, émissivité) sont bien connues, mais l’expérience de laboratoire fonctionne également avec un disque de pierre naturelle.

Ce dispositif nous a ainsi permis de confirmer le mécanisme de formation des « pierres zen » en milieu naturel, mais également de tester différentes configurations, de façon rapide et reproductible grâce à un taux de sublimation près de dix fois plus rapide au laboratoire. La présence de la dépression observée sous les galets naturels est due à un effet subtil absent de nos expériences de laboratoire.

En effet, le galet (mais aussi la glace) possède une température supérieure au zéro absolu et émet ainsi un rayonnement électromagnétique. Mais, alors que le rayonnement solaire est majoritairement émis dans les longueurs d’onde visibles, celui provenant du galet est maximum dans l’infrarouge lointain, pour des longueurs d’onde autour de 10 micromètres. Dans nos expériences, le disque métallique et la glace sont à la même température et leurs émissions dans le domaine de l’infrarouge se compensent.

Un phénomène rare et éphémère

Inversement, sur le lac Baïkal, le galet peut avoir une température plus élevée que la glace, pendant une partie de la journée. Ainsi, cette source d’énergie supplémentaire accélère la sublimation au voisinage du galet et conduit à la dépression dont le contour épouse celui de la pierre.


NOTRE DOSSIER « PHYSIQUE »

Les « pierres zen » sont des phénomènes aussi rares qu’éphémères. En effet, le processus de sublimation, même s’il est fortement ralenti sous la pierre, conduit le pied à s’affiner indéfiniment jusqu’à ce que le galet chute. La durée de vie de ces structures sur le lac Baïkal est de l’ordre de deux à trois semaines, et seuls quelques privilégiés ont la chance d’assister à ce spectacle.



Cet article est réalisé par The Conversation et hébergé par 20 Minutes.