Espace : Deux instruments toulousains à bord de la mission d’enquête sur la mort des premières étoiles
INVESTIGATION SIDERALE•Dans les locaux du Cnes à Toulouse, les scientifiques peaufinent deux nouveaux instruments qui permettront de localiser et d’observer la mort des premières étoiles géantesHélène Ménal
L'essentiel
- Le satellite franco-chinois de la mission Svom doit décoller mi-2023.
- Il embarquera deux télescopes fabriqués à Toulouse, capables de détecter pour l’un et d’observer pour l’autre l’écho des explosions, bien au-delà de notre galaxie, des toutes premières étoiles.
- Le but est de déterminer « comment l’univers s’est allumé ».
Jamais les scientifiques n’auront vu aussi précisément aussi loin, dans l’univers et dans le temps. A Toulouse, dans des salles blanches du Cnes, les ingénieurs mettent la dernière touche à deux télescopes qui partiront avant l’été pour la Chine. Ils y seront assemblés sur le satellite de la Mission Svom* dont le décollage est prévu pour la mi-2023. Placé en orbite à 600 kilomètres de la Terre, il sera chargé de détecter les furtives, restées pendant longtemps mystérieuses, bouffées de rayon gamma qui traversent le ciel environ tous les trois jours. La plupart d’entre elles correspondent en fait au rayonnement émis, parfois il y a 12 milliards d’années, par une grosse étoile qui s’effondre sur elle-même. « C’est une illumination au fin fond de la voûte céleste, bien au-delà de notre galaxie », explique François Gonzalez, le chef du projet Svom au Cnes.
La mission Svom devra traquer systématiquement ces supernovæ, souvent à l’origine d’un nouveau trou noir. Avec en premier rideau, le télescope français ECLAIRs, capable de détecter les sursauts Gamma mais aussi de les localiser sur la voûte céleste. « Ces explosions colossales libèrent en quelques secondes l’énergie que notre Soleil va libérer durant toute sa vie. Mais comme il s’en produit 50 à 70 par an, il ne faut pas les rater », souligne Jean-Luc Atteia, responsable scientifique de la mission et membre de l’Institut de recherche en astrophysique et planétologie (Irap) de Toulouse.
Une fois la supernova repérée par ECLAIRs, un autre télescope prend le relais : l’instrument MTX avec son œil de homard, inspiré du crustacé. Cet optique « révolutionnaire » constitué de millions de microtubes de verre « est une première spatiale » qui permet au télescope, léger comme une plume, de capter un maximum de lumières dans toutes les directions et particulièrement les ultra-violets, qui succèdent aux rayons gamma captés par ECLAIRs, et permettent d’observer le phénomène quelques heures, voire quelques jours de plus.
Des alertes en temps réel pour braquer les télescopes au bon endroit
Ces deux instruments d’observations sont suppléés sur Terre par un réseau d’une cinquantaine d’antennes VHF, opérées par le Cnes et disposées sur tous les continents autour de l’équateur, « sur le toit d’une université » par exemple. Ce système permet au satellite d’alerter en temps réel les astronomes, amateurs ou professionnels du monde entier, pour qu’ils braquent leurs télescopes sur la supernova.
Alors, pourquoi un tel déploiement pour observer un événement depuis longtemps terminé dans un lieu que l’on atteindra jamais. « En étudiant les sursauts gamma, on étudie les premières générations d’étoiles, répond l’astrophysicien Diego Götz du Commissariat à l’énergie atomique. Pour savoir comment se sont formées les premières galaxies et comment l’univers s’est allumé. »
* Space variable objects monitor