ISS : A quand le retour sur Terre de Thomas Pesquet ?
ESPACE•La seconde mission de l’astronaute français à bord de la Station spatiale internationale, initiée le 23 avril, devait durer six mois. Un délai déjà dépassé et pourtant, la date précise de son retour reste flou. ExplicationsFabrice Pouliquen
L'essentiel
- Thomas Pesquet et les trois astronautes qui font partie du même équipage Crew 2, du nom de la capsule de Space X à bord de laquelle ils ont pris place, sont à bord de la Station spatiale internationale depuis le 23 avril.
- Leur retour était prévu six mois plus tard, entre début et mi-novembre, a toujours annoncé la Nasa. Nous y sommes donc, mais il reste des incertitudes quand à la date exacte de ce retour sur Terre.
- La Nasa et Space X ont en effet rencontré plusieurs contretemps sur le décollage de Crew 3, l’équipage de quatre astronautes qui doit prendre la relève à bord de l’ISS. Jusqu’à quel point peut-on retarder ce retour sur Terre ?
Sur les réseaux sociaux dont il est si friand, Thomas Pesquet ne laisse rien paraître. L’astronaute français continue à y poster régulièrement les clichés de villes françaises prises de l’Espace et à raconter les coulisses de sa mission de six mois à bord de la Station spatiale internationale. Dernier épisode en date : la récolte et la dégustation des piments qu’ils ont fait pousser à bord.
Commence-t-il tout de même à trouver le temps long ? C’est que Thomas Pesquet a quitté la Terre le 23 avril déjà, à bord du Crew 2, la capsule de l’entreprise américaine Space X, en compagnie des trois autres astronautes qui l’accompagnaient (un Japonais et deux Américains). Ils ont donc d’ores et déjà passé plus de six mois dans l’Espace.
Auraient-ils dû normalement déjà être parmi nous ? Pas forcément, répond Olivier Sanguy, médiateur scientifique de la Cité de l’Espace à Toulouse. « La Nasa a toujours donné une fourchette pour ce retour, entre début et mi-novembre, rappelle-t-il. Nous sommes toujours dans ce créneau. »
La planification du retour de Crew2 sur Terre se révèle tout de même plus compliquée que prévu. La date précise reste d’ailleurs toujours inconnue à ce jour. Elle est normalement conditionnée à l’arrivée à bord de l’ISS des quatre astronautes de Crew 3, parmi lesquels l’Allemand Matthias Maurer, qui doivent prendre la relève. C’est le plan A de la Nasa et de Space X. Le scénario idéal. « L’idée est de faire cohabiter quelques jours dans l’ISS – une semaine grand maximum – l’équipage qui part et celui qui arrive, reprend Oliver Sanguy. Cela facilite le passage de relais, notamment sur les expériences scientifiques en cours. Même si les procédures sont strictes et que tout est noté, c’est toujours mieux de pouvoir échanger de visu et de passer symboliquement le relais. »
Un décollage de Crew 3 qui enchaîne les contretemps
Le souci, c’est que le décollage de Crew 3 enchaîne les contretemps. Il était initialement prévu samedi dernier, avant d’être reporté au dimanche. Puis, le jour approchant, décalé à nouveau à ce mercredi 3 novembre en raison de mauvaises conditions météorologiques. « Pas tant sur la Floride [où est située la base de lancement américaine], précise d’ailleurs Olivier Sanguy. Les mauvaises conditions étaient bien plus sur le couloir d’ascension, la zone de survol qui couvre toute l’Atlantique jusqu’à l’Irlande et au-dessus de laquelle la Nasa et Space X estime que l’on peut éjecter la capsule [où a pris place l’équipage] s’il y a un problème sur le lanceur. »
Nous voilà le 4 novembre et le Crew3 est toujours sur le plancher des vaches. La faute, cette fois-ci, à un problème médical « mineur » rencontré par l’un des quatre astronautes de l’équipage, a communiqué la Nasa, sans en dire plus sur la nature de ce problème ni sur l’identité de l’astronaute touché, par souci de respecter le secret médical.
Un plan B : ne pas attendre la relève
Le décollage est désormais prévu samedi à 23h, heure de Floride, soit vers 4h30, dans la nuit de samedi à dimanche chez nous. « Mais la Nasa présente bien cette date comme l’opportunité la plus proche [« earliest opportunity »] », prévient Olivier Sanguy. Façon de dire qu’elle reste sujette à d’éventuels nouveaux reports. « C’est possible, poursuit le médiateur scientifique de la Cité de l’Espace de Toulouse. Des bulletins météo, celui notamment de la Patrick Air Force Base, base militaire américaine située en Floride, annonce des probabilités assez fortes d’avoir de nouveau des conditions météo défavorables. »
Des fenêtres de tir serait encore possible en début de semaine prochaine, indique-t-on à l’Agence spatiale européenne (ESA). Mais si ces opportunités sont encore manquées, la Nasa et Space X devront passer au plan B : faire redescendre sur Terre l’équipage du Crew 2 sans attendre la relève. Ce n’est pas tant que les vivres risquent de manquer ou que les astronautes ne puissent pas tenir plus de six mois dans l’ISS, même si on imagine bien que ces indécisions sur leur date de retour doivent peser sur leur moral. « En évoquant sa première mission à bord de l’ISS [il y était déjà resté six mois, de novembre 2016 à juin 2017], Thomas Pesquet avait évoqué cette impatience à revenir sur Terre lorsqu’on sait qu’approche la date du retour », rappelle Olivier Sanguy.
Dans un échange avec Emmanuel Macron ce jeudi, relayé sur Twitter, Thomas Pesquet dit en tout cas prendre du bon côté ces incertitudes sur son retour. « Quand on embarque sur une mission comme celle-là, on sait que cela peut arriver », explique-t-il, avant de présenter ces jours de rab comme une « bénédiction ». Certes, l’astronaute français dit encore avoir du travail, « mais la liste des tâches est déjà bien avancée, si bien que cela permet d’avoir des jours aussi pour soi, raconte-t-il. C’est comme un sas avant de revenir sur Terre et de retrouver mes proches et ma famille. »
Ne pas trop faire attendre la capsule
La nécessité de ne pas trop décaler ce retour ne répond donc pas tant à un impératif humain qu’à des considérations techniques. Cette capsule Crew 2, qui a envoyé Thomas Pesquet et ses trois comparses jusqu’à l’ISS le 23 avril, y est restée depuis amarrée. « Or, elle a été conçue spécifiquement pour cette mission prévue pour durer six mois, précise Olivier Sanguy. Cela ne veut pas dire qu’elle devient hors d’usage passé ce délai. Mais dans le spatial, on n’aime pas trop jouer sur les marges de sécurité. »
Si ce plan B est activé, la station spatiale internationale, occupée en permanence depuis l’an 2000, ne deviendrait pas pour autant inhabitée le temps qu’arrive Crew 3. Ce serait oublier les Russes Anton Chkaplerov et Piotr Doubrov, ainsi que l’Américain Mark T. Vande Hei, tous trois arrivés à bord de vaisseaux russes Soyouz, qui seront bien là pour accueillir la relève.