INTERVIEWLa planète Vénus n’aurait jamais eu d’océans, conclut une nouvelle étude

Une nouvelle étude affirme que Vénus n’aurait jamais eu d’océans, car « son atmosphère ne s’est pas suffisamment refroidie »

INTERVIEW« 20 Minutes » a interrogé l’astrophysicien bordelais Jérémy Leconte, qui a participé à une étude concluant que la planète Vénus n’aurait jamais pu avoir d’océans, contredisant une étude américaine
Image de la face nocturne de Vénus à la longueur d'onde de 2,3 microns, obtenue par la sonde Galileo-NIMS en 1990
Image de la face nocturne de Vénus à la longueur d'onde de 2,3 microns, obtenue par la sonde Galileo-NIMS en 1990 - CNRS-Photothèque
Mickaël Bosredon

Propos recueillis par Mickaël Bosredon

L'essentiel

  • Une nouvelle étude utilisant un modèle climatique de dernière génération, affirme que Vénus n’aurait jamais pu avoir d’océans.
  • Selon l’astrophysicien bordelais Jérémy Leconte, l’atmosphère de Vénus n’a jamais pu se refroidir suffisamment pour générer des pluies et former des océans.
  • En revanche, la Terre a bénéficié à sa formation d’une insolation 30 % inférieure à ce qu’elle est aujourd’hui, ce qui a permis la formation des océans à sa surface.

Particulièrement hostile avec des températures atteignant les 450°C, la planète Vénus a-t-elle pu bénéficier d’une atmosphère plus clémente à sa création ? A-t-elle déjà abrité des océans ? Si une étude américaine a émis l’hypothèse que oui, elle est aujourd’hui contredite par des travaux à paraître ce jeudi dans Nature, après une étude pilotée par l’université de Genève et impliquant des scientifiques du CNRS et de l’Université de Versailles Saint Quentin 1 (UVSQ) et du Laboratoire d'astrophysique de Bordeaux.

L’accès à ce contenu a été bloqué afin de respecter votre choix de consentement

En cliquant sur« J’accepte », vous acceptez le dépôt de cookies par des services externes et aurez ainsi accès aux contenus de nos partenaires.

Plus d’informations sur la pagePolitique de gestion des cookies

Grâce à un modèle climatique de dernière génération, l’équipe de recherche a établi un scénario différent de l’étude américaine, dont les premiers résultats avaient été présentés en 2016. 20 Minutes a interrogé l’astrophysicien bordelais Jérémy Leconte, chargé de recherches au CNRS, qui a participé à cette étude.

Comment en êtes-vous arrivé à la conclusion que Venus n’a jamais abrité d’océan, contredisant ainsi l’étude américaine ?

On ne la contredit pas vraiment, mais son hypothèse de départ ne s’applique pas. Elle avait simulé la présence d’océans sur Vénus, dans le but de déterminer si ces océans avaient pu se maintenir dans le temps, concluant que oui. Nous, nous avons voulu savoir si ces océans avaient pu tout bonnement se former, et c’est non.

Et qu’est-ce qui vous permet d’arriver à cette conclusion ?

Pour cela nous avons développé un modèle climatique, qui nous a déjà servi par le passé pour travailler sur d’autres études, nous permettant de recréer les conditions climatiques initiales de Vénus, il y a 4,5 milliards d’années. Une planète qui se forme, c’est une rencontre de rochers et d’astéroïdes qui se tombent dessus, et qui créent d’abord une protoplanète, composée massivement de lave en fusion. Une atmosphère assez épaisse recouvre cette lave en fusion, et joue un effet de serre assez fort. La question était de savoir si cette atmosphère avait pu suffisamment se refroidir pour générer des pluies et former des océans ? Et c’est non. Notre modèle climatique a montré que des nuages d’eau se sont bien formés, mais presque exclusivement du côté nuit de Venus. Du coup, ces nuages n’ont pas permis de réfléchir la lumière du soleil pour refroidir la planète, au contraire ils ont eu un effet de serre très important et ont joué un rôle de bouclier thermique qui a empêché l’atmosphère de se refroidir.

Qu’est-ce qui explique que sur Terre nous avons pu avoir des pluies qui ont formé les océans, et pas sur Vénus ?

La Terre étant plus loin du soleil, elle recevait moins d’énergie et a pu se refroidir.

Le modèle climatique que vous avez développé vous a-t-il d’ailleurs appris des choses sur la Terre également ?

Oui. Le Soleil était 30 % moins lumineux au début de la vie de la Terre qu’aujourd’hui. On a longtemps vu cela comme un problème, mais en fait cela a été une opportunité qui a sauvé la Terre. Si la Terre avait reçu l’insolation qu’elle reçoit aujourd’hui, elle aurait été comme Vénus, c’est-à-dire qu’elle n’aurait pas pu se refroidir, et les océans n’auraient pas pu se former. Cela aussi, c’est tout à fait nouveau.

Vous aviez déjà travaillé il y a quelques années avec ce même modèle climatique, sur la question de l’évaporation des océans ?

Oui, en 2013 nous avions publié une étude pour savoir quand les océans sur Terre s’évaporeraient. A la fin de sa vie, le Soleil sera 30 % plus brillant qu’aujourd’hui et les océans terrestres s’évaporeront, d’ici un milliard d’années, au moment où la température à la surface de la Terre atteindra environ 1.000 °C…

Revenons sur Vénus. Quel est le programme des missions spatiales sur Vénus, et doivent-elles confirmer votre étude ?

Trois missions spatiales – deux américaines et une de l’ESA – sur Vénus ont été sélectionnées et doivent voir le jour à la fin des années 2020, début 2030. Des mesures de la composition isotopique de l’atmosphère devraient être réalisées, pour savoir si de l’eau s’est évaporée de l’atmosphère pour aller dans l’espace, et quand. Il y aura aussi des analyses par des données radar de la composition de la surface de Vénus, pour savoir si cette planète est plus basaltique, ou granitique comme ce que l’on a sur nos continents, ce dernier type de roche nécessitant la présence d’eau liquide pendant très longtemps…