Astronomie : Du Soleil à la « proche banlieue » de la Terre, le recensement des étoiles s’enrichit
ALWAYS THE SUN•Découvrez, chaque jour, une analyse de notre partenaire The Conversation. Aujourd’hui, une astronome nous dévoile les dernières découvertes concernant la Voie lactée20 Minutes avec The Conversation
L'essentiel
- La mission spatiale Gaia a permis un recensement plus détaillé des astres et systèmes qui voisinent avec le soleil, selon notre partenaire The Conversation.
- Les hommes ont commencé dès l’Antiquité à « compter » les étoiles visibles à l’œil nu, avec notamment des astronomes tels que Timocharis d’Alexandrie et Hipparque de Nicée.
- L’analyse de ces découvertes a été menée par Céline Reylé, astronome à l’Institut UTINAM et l’Observatoire des Sciences de l’Univers THETA.
Combien y a-t-il d’étoiles dans le ciel ? Cette question taraude de nombreuses personnes depuis l’aube de l’humanité. Notre soleil est une étoile parmi tant d’autres qui, rassemblées dans l’espace, constituent cet immense ensemble qu’est notre galaxie, la Voie lactée. On estime que la Voie lactée s’étend sur 100.000 années-lumière et contient environ 150 milliards d’étoiles. Cependant, toutes ne sont pas observées et répertoriées, loin de là.
En 1937, l’astronome Louise Freeland Jenkins publie une liste de 127 étoiles avec leurs compagnons connus dont la distance est inférieure à 10 « parsecs » (environ 30 années-lumière) du soleil.
Dans ses pas, nous avons compilé le catalogue actuel de notre proche banlieue, à la lumière des données les plus précises et récentes offertes par la mission spatiale Gaia.
Animation rotative montrant tous les objets situés dans un rayon de 10 parsecs. Le soleil et ses huit planètes sont visibles au centre © Gruze.org (via The Conversation)
Étoiles, planètes : qui sont nos voisines ?
Ce recensement actualisé contient 540 astres dans 339 systèmes (disponible aussi dans sa version « zoomable »). Il met en évidence la richesse et la variété du voisinage solaire avec des astres de types, masses, tailles, températures, âges très variés. Ce sont pour la plupart des étoiles. La grande majorité de nos étoiles voisines sont plus petites que le soleil, et il y a un nombre assez surprenant de « naines brunes », des astres trop petits pour soutenir la fusion nucléaire en leur cœur et briller comme le soleil par exemple. Plus rares sont les étoiles mortes naines blanches, et les grosses étoiles, très lumineuses et de couleur bleutée.
Le catalogue des astres connus à 10 parsecs et leur répartition selon le type d’astre. Le soleil est une étoile de type G. Les étoiles de type O, appelées « géantes bleues » sont 10 fois plus grosses que le soleil. Les étoiles de type M, dites « naines rouges », sont 10 fois plus petites. Les types L, T, Y recouvrent le domaine des « naines brunes », qui ne brillent pas © L. Reylé, adapté de Wikipédia CC BY-SA
Aucune étoile supergéante ou géante ne se trouve à moins de 10 parsecs. D’ailleurs, si tel était le cas, nous le saurions : si la supergéante rouge Bételgeuse par exemple se trouvait à la limite de 10 parsecs, elle serait l’astre le plus brillant de notre ciel après le Soleil et la Lune, et serait visible en plein jour.
Enfin, les exoplanètes viennent compléter le recensement. Certaines sont dans la zone habitable, ou zone tempérée, région autour de l’étoile où les conditions sont favorables à l’émergence de la vie, avec en particulier la possibilité pour l’eau de se trouver sous forme liquide (dans le système solaire, cette zone s’étend entre Vénus et Mars).
Si l’on fait abstraction ici des planètes, seulement le tiers des astres sont, comme le soleil, isolés et sans compagnon. Il y a aussi 69 systèmes binaires, 18 systèmes triples, trois quadruples et même deux systèmes quintuples. Le système Alula Australis dans la constellation de la Grande Ourse rassemble ainsi quatre étoiles et une naine brune.
Recenser les étoiles, une question historique
Dès l’Antiquité, des astronomes tels que Timocharis d’Alexandrie et Hipparque de Nicée ont commencé à compter les étoiles visibles à l’œil nu et ont construit ainsi les premiers catalogues, limités en « brillance ». Puis, les premières distances stellaires ont été mesurées par la méthode de la « parallaxe » par Friedrich Wilhelm Bessel en 1838 sur l’étoile 61 Cygni, Thomas James Henderson en 1839 sur alpha Centauri et Friedrich Georg Wilhelm von Struve en 1840 sur Véga.
Étoiles et naines brunes, représentées avec leurs compagnons et planètes, situées entre le soleil et 61 Cygni, l’étoile qui a eu la première mesure de distance par la méthode de la parallaxe, publiée en 1838 (via The Conversation)
Depuis, les astronomes modernes préfèrent utiliser des catalogues limités en distance, avec différentes limites autour de nous. Ils ont fourni jusqu’à la fin du XXe siècle des données fondamentales pour quelques milliers d’étoiles parmi les plus proches dont la mesure peut être faite depuis le sol, la turbulence de l’atmosphère limitant la précision des mesures.
Louise F. Jenkins en 1911 et extrait du catalogue à 10 parsecs qu’elle compila en 1937 : les 10 étoiles les plus proches du soleil avec leurs caractéristiques connues à l’époque (via The Conversation)
Une première révolution arrive avec le lancement en 1989 de la première mission spatiale astrométrique Hipparcos, qui fournit un catalogue de 117.955 étoiles relativement brillantes. La deuxième mission spatiale astrométrique Gaia, lancée en 2013, apporte une autre vision spectaculaire, tant sur le plan qualitatif que quantitatif, sur tout le ciel pour 1,5 milliard d’étoiles. La mission, initialement prévue pour 5 ans, est prolongée et durera probablement 10 ans. Des catalogues intermédiaires viennent échelonner cette durée, et sont disponibles à la communauté entière via des bases de données ouvertes. Ils profitent ainsi à tous les scientifiques, et pas seulement à ceux impliqués dans le consortium. Ceci permet une exploitation accrue de cette richesse de données, avec aujourd’hui plus de 4000 résultats publiés basés sur les catalogues successifs de Gaia.
La Voie lactée vue par le satellite Gaia © ESA/Gaia/DPAC, CC BY-SA
Le recensement d’une étoile, ou d’un astre en général, dépend fortement des capacités de détection du télescope, mais aussi de la nature de la source : une source intrinsèquement très lumineuse mais lointaine ne sera pas plus facile à détecter qu’une source très faible mais proche, et vice versa. On voit ainsi se dessiner l’intérêt de l’étude de ce qu’on appelle le voisinage solaire : c’est uniquement dans près du Soleil que l’on peut espérer avoir une vision complète des astres qui nous entourent, y compris les sources qui émettent le moins de lumière.
Comment cette liste va-t-elle évoluer dans les années futures ?
Les observations par les grands télescopes en cours et futurs spatiaux (Euclid et James Webb Space Telescope, TESS, PLATO, SPHEREx…) ou au sol, avec l’instrumentation de pointe sur l’ Extremly Large Telescope de 39 mètres de diamètre, vont faire évoluer cette liste.
Si toutes les étoiles isolées sont déjà recensées, nous nous attendons à ce que le nombre de compagnons de faible masse dans les systèmes, de naines brunes très froides, et de planètes augmente. La naine brune la plus froide connue à ce jour (-48 °C à -13 °C à la surface), avec une masse estimée entre 3 et 10 fois la masse de Jupiter, WISEA J085510.74-071442.5, a été découverte en 2014 à la suite d’un important travail de fouille de données. Le catalogue n’est probablement pas encore complet pour ces astres peu lumineux.
Cette animation montre la naine brune la plus froide jamais observée, et le quatrième système le plus proche de notre soleil. Appelé WISE J085510.83-071442.5, cet objet peu lumineux a été découvert grâce à son mouvement rapide dans le ciel. Il a été vu pour la première fois sur deux images infrarouges prises à six mois d’intervalle en 2010 par le Wide-field Infrared Survey Explorer, ou WISE, de la NASA (voir les triangles orange). Deux autres images de l’objet ont été prises par le télescope spatial Spitzer de la NASA en 2013 et 2014 (triangles verts) © JPL-NASA/Caltech (via The Conversation)
Une des choses importantes que nous apprendrons de ces catalogues de plus en plus complets est la distribution des objets de plus faible masse, qui nous indiquera le seuil minimal de masse pour la formation d’une étoile. Par conséquent, trouver tous les objets dans ce volume local fournira une indication importante pour comprendre les mécanismes de formation des naines brunes.
De plus, comme l’atteste la dernière addition au catalogue, la planète GJ 486 b, la découverte de planètes augmente au fur et à mesure que notre capacité de détection s’améliore. Les premières prédictions montrent que le nombre attendu d’exoplanètes à moins de 10 parsecs, si l’on était capable de toutes les détecter, serait de l’ordre de 600.
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Grâce à leur proximité et à la possibilité d’observations précises, les étoiles voisines constituent un laboratoire unique pour notre compréhension de la physique stellaire et de la galaxie. Cette liste reflète autant que possible l’état actuel de nos connaissances du voisinage solaire. Elle fournit des étoiles de référence qui peuvent être utilisées pour définir des échantillons d’étalonnage de futures observations détaillées avec les instruments de pointe actuels et du futur. Elle offre un point de calibration, car c’est là que l’on peut espérer obtenir les données les plus précises sur tous les types d’étoiles, comprendre leur physique, leur formation, leur évolution, avoir des indications sur leur âge, voir si elles sont seules ou dans des systèmes multiples, savoir lesquelles d’entre elles abritent des planètes. Toutes ces indications permettent ainsi de mieux comprendre la Voie lactée dans son ensemble, car l’on s’attend à ce que la même physique soit à l’œuvre dans les autres parties de notre galaxie où les conditions sont similaires.
Entre réalité et science-fiction, les systèmes planétaires voisins sont les plus faciles à scruter et sont les cibles pour les recherches de traces de vie, ou « biomarqueurs ».
Cette analyse a été rédigée par Céline Reylé, astronome à l’Institut UTINAM et l’Observatoire des Sciences de l’Univers THETA de l’Université Bourgogne Franche-Comté (UBFC).
L’article original a été publié sur le site de The Conversation.