ESPACEAvant de toucher Mars, sept minutes de terreur pour Perseverance

Perseverance sur Mars : Avant de toucher Mars, le rover devra en passer par sept minutes de terreur

ESPACECe jeudi soir, à 21h55, après six mois de voyage, Perseverance sera aux portes de l’atmosphère martienne. Mais avant de toucher le sol, le rover devra en passer par une descente semée d’embûches. La Nasa parle de sept minutes de terreur
Fabrice Pouliquen

Fabrice Pouliquen

L'essentiel

  • Lancé en juillet dernier depuis Cap Canaveral, Mars 2020, la mission spatiale d’exploration de la planète Mars conduite par la Nasa, touchera jeudi soir au but de son voyage de 480 millions de kilomètres.
  • Mais il restera encore à relever un défi de taille pour que la mission commence enfin : entrer dans l’atmosphère martienne à 20.000 km/h pour déposer en douceur le rover Perseverance, sept minutes plus tard.
  • Sept minutes de terreur, décrit la Nasa. Car non seulement le vaisseau spatial devra enchaîner sans la moindre erreur une multitude d’opérations, mais on ne pourra rien faire pour l’aider depuis la Terre.

Sept minutes de terreur. A 20h55 ce jeudi [21h55 en France métropolitaine*], le rover Perseverance s’apprêtera à entrer dans l’atmosphère de Mars, l’avant dernière étape d’un long voyage de 480 millions de km commencé le 30 juillet dernier par un décollage réussi depuis Cap Canaveral (Floride).

Autrement dit, ce jeudi soir, Perseverance sera tout près de pouvoir commencer sa mission : arpenter la planète rouge pour y trouver d’éventuelles traces de vie, et même collecter des échantillons de roches martiennes qu’il conditionnera dans des tubes étanches, les laissant ensuite sur son passage. Avec l’espoir, un jour, de pouvoir les ramener sur Terre.

Une formule qui n’est pas nouvelle

Mais avant de pouvoir se mettre au travail, Perseverance devra en passer par ces « sept minutes de terreur », expression utilisée par la Nasa pour évoquer ce moment ô combien périlleux dans une mission martienne qu’est l’atterrissage. « Déjà pour Curiosity, un précédent rover posé sur Mars en août 2012, l’agence spatiale américaine parlait de sept minutes de terreur, raconte Olivier Sanguy, médiateur scientifique de la Cité de l’espace à Toulouse. C’est qu’alors, la technique d’atterrissage utilisée pour Curiosity (et qui sera reprise pour Perseverance) était complètement novatrice. »

Cette grande nouveauté, c’est la grue volante [Sky crane]. Elle n’était pas là « pour Viking 1 et 2 [dans les années 1970] ou pour Insight​ [en 2018], par exemple. Les sondes tombaient en chute libre jusqu’à ce qu’un moteur s’allume, non pas pour les faire voler, mais pour ralentir leur descente jusqu’à les poser au sol, dans le cratère de Jerezo », explique Olivier Sanguy.

Déposé en douceur par une grue volante

Cette technique fonctionne mais a ses inconvénients, surtout pour des rovers aussi lourds que Curiosity (899 kg) ou Perseverance (1.025 kg) et bardés d’instruments scientifiques sensibles. « Selon cette première méthode, le rover se pose sur Mars dans une plateforme qui l’emballe, explique Jessica Flahaut, géologue martienne et lunaire du Centre de recherches pétrographiques et géochimiques (CNRS, Nancy). Il faut donc que le rover ne soit pas trop bousculé dans cette capsule, que celle-ci se pose droit sur le sol martien, puis qu’elle s’ouvre correctement et qu’une rampe soit déployée pour permettre au rover de descendre. Cela fait des contraintes techniques supplémentaires. » « Et cette plateforme ajoute du poids à ce qu’il faut poser sur Mars », ajoute Olivier Sanguy. Pas l’idéal, là encore.

La Sky Crane présente alors plusieurs avantages. « On est toujours dans la rétropropulsion, mais c’est cette grue volante, qui tient le rover par le dessus, qui exerce cette force, reprend Olivier Sanguy. Et à quinze ou vingt mètres d’altitude, la Sky Crane s’immobilise et le rover descend le long de câbles jusqu’à se poser sur le sol martien, directement sur ses quatre roues qu’il aura déployé pendant les derniers mètres de descente. »

Passer de 20.000 km/h à zéro en sept minutes

Même si la Sky Crane n’en sera pas à son premier coup d’essai jeudi soir, la Nasa et tous ceux qui ont contribué à cette mission Mars 2020 (dont beaucoup de scientifiques français) retiendront tout de même leur souffle pendant ces sept minutes. Il faut déjà imaginer une masse de trois tonnes – le rover et tout ce qui l’entoure pour faciliter sa descente (parachute, bouclier thermique, Sky crane) – débouler dans l’atmosphère martienne à 20.000 km/h. Et un bouclier thermique – qui protège le rover de la chaleur pendant ces sept minutes – subir une température de 1.300 °C.

Mais ce n’est pas tant cette vitesse d’entrée et cette chaleur le problème. « Les agences spatiales y sont habituées, les conditions sont les mêmes lorsque l’on fait rentrer une capsule spatiale sur Terre », indique Olivier Sanguy. Non, pour le médiateur scientifique de la Cité de l’espace à Toulouse, le plus compliqué sera de réussir l’enchaînement parfait pour passer, en ce laps de temps très court, de 20.000 km/h à un atterrissage du rover en douceur sur le sol martien.

Les grandes étapes ? Le largage de l’étage de croisière – chargé d’amener la sonde jusqu’à proximité de la planète Mars – dix minutes avant l’entrée dans l’atmosphère, puis le déploiement d’un parachute alors que Perseverance descend toujours à une vitesse supersonique (1.500 km/h), le largage du bouclier thermique, le largage de la Sky Crane. Et enfin, à quinze-vingt mètres du sol, la descente sous câbles du rover Perseverance.

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Un enchaînement parfait à réaliser sans intervention possible depuis la Terre

Et ce ne sont que les grandes étapes. Entre elles, il y a à chaque fois une multitude d’actions qui doivent se combiner à la perfection, sans erreur possible. « Un exemple : quand le rover se pose au sol, il est toujours retenu par des câbles à la grue volante juste au-dessus de lui, illustre Olivier Sanguy. Il faudra alors que de petits explosifs, sur Perseverance, poussent des lames pour qu’elles coupent ces liens. La grue volante n’aura plus alors qu’à s’éloigner pour s’écraser un peu plus loin. Si ce mécanisme se grippe, la Sky Crane, qui pèse à elle seule une tonne, restera reliée au rover, ce qui compromettrait grandement la mission. »

C’est aussi cette descente sous câbles que retient Jessica Flahaut. « C’est ingénieux, mais ça reste périlleux, estime la géologue martienne. Puisque le rover n’est plus encapsulé, il est aussi plus exposé. Un capteur de vent de Curiosity s’était ainsi retrouvé abîmé en 2012 dans les ultimes mètres de la descente, probablement heurté par une roche ou de la poussière. »

Perseverance face à lui-même

Ça en fait donc, des possibilités d’échec ce jeudi soir. « Mais si la Nasa parle de sept minutes de terreur, c’est aussi et surtout parce que dans ce laps de temps, on ne peut strictement rien faire depuis la Terre, reprend Jessica Flahaut. La distance entre les deux planètes fait que les communications vont mettre un peu plus de onze minutes pour aller de la Terre au robot et inversement. En cas de problème, le temps que le signal nous parvienne, le robot se sera déjà écrasé. »

La Nasa a d’ores et déjà mis en place une chaine sur Youtube pour suivre avec l’atterissage du rover Perseverance ce jeudi. Distance oblige, pas de direct possible depuis Mars. « On pourra suivre la descente par télémétrie, explique Xavier Penot, autre médiateur scientifique de la Cité de l’Espace à Toulouse. Le rover et son étage qui le fait descendre émettent en permanence des informations par radio qui permettent à la Nasa de savoir comment ça se passe à bord. Pour le grand public, elle synchronisera alors une simulation par images de synthèse avec les informations qui lui parviennent. » L’agence spatiale américaine commencera son live dès 20h15, heure française.

Arriver en un seul morceau… mais aussi au bon endroit

Il ne suffira pas à Perseverance d’atterrir sur Mars sans accroc. Il faut aussi qu’il se pose au plus près de l’endroit visé par la Nasa, enjeu là aussi capital dans la réussite de la mission. Le site visé est le cratère de Jezero, d’un diamètre de 50 kilomètres. Un site d’atterrissage loin d’être choisi au hasard. « Il faut que la surface soit plane pour permettre un atterrissage le plus facile possible, le critère numéro un, tout en étant malgré tout proche d’un site géologiquement intéressant », explique Jessica Flahaut. Et plus le rover manque sa cible, plus il s’éloigne potentiellement du site exploré. « Quand on sait qu’en huit années et demie sur Mars, Curiosity n’a fait que 24,45 km, on imagine bien que devoir parcourir plusieurs kilomètres pour rejoindre son objectif se traduit rapidement par des années perdues. »

Pour affiner la trajectoire du rover pendant ces sept minutes de descente, la Nasa a apporté à Perseverance quelques nouveautés par rapport à Curiosity. « La première concerne l’ouverture du parachute, explique Olivier Sanguy. Son déclenchement n’est désormais plus fixé à un moment précis comme autrefois, mais dans une fourchette, entre 9 et 13 km d’altitude. C’est le vaisseau lui-même qui déterminera le moment le plus opportun pour l’ouvrir. » Une autre nouveauté est la « Terrain-Relative Navigation ». « Une fois le bouclier thermique largué, à peu près à 4 km de la surface, le radar et les cameras de la grue volante seront enfin en mesure de voir le sol martien, reprend Olivier Sanguy. Il pourra alors comparer ce qu’il voit en temps réel avec la cartographie du lieu où le rover est censé se poser, qu’il aura dans sa base de données, et faire alors des ajustements si nécessaire. »