« Proxima » : « Ceux qui restent au sol ont davantage besoin de soutien que ceux qui partent » selon Claudie Haigneré
IN SPACE•Ce mercredi sort sur les écrans, Proxima, un film mettant en scène une astronaute qui se prépare à quitter la Terre et sa fille. Un thème de la séparation rarement abordé au cinéma, mais pris en compte lors de la préparation des astronautesBéatrice Colin
L'essentiel
- Ce mercredi sort en salles Proxima de la réalisatrice Alice Winocour. Il met en scène une astronaute, mère célibataire, se préparant à une mission spatiale d’un an.
- Loin des « space movie », cet opus aborde la question de la femme astronaute et de la séparation.
- Un aspect qui est pris en compte aujourd’hui dans la préparation des astronautes, mais aussi durant leur mission grâce à des « anges gardiens » qui facilitent le lien entre eux et leur famille.
A l’écran, les astronautes sont souvent des super-héros, qui arrivent à se tirer de quasiment toutes les situations ardues. Dans la vraie vie, certains le sont aussi. Sur-entraînés, ils ont passé des années à travailler, apprendre et à endosser le scaphandre avant d’embarquer.
Mais ils ne sortent pas d’une pouponnière spatiale, sans passé, ni famille. Nombreux sont ceux qui ont des enfants, comme Sarah, l’héroïne de Proxima, le dernier film d’Alice Winocour qui sort sur les écrans ce mercredi. Loin des « space movie », l’aventure spatiale se joue cette fois-ci au sol. La préparation de cette astronaute française, incarnée par Eva Green, montre les épreuves physiques que doivent encaisser ceux qui sont appelés un jour à voir la Terre d’un angle différent.
La résistance n’est pas que corporelle. Elle est aussi mentale pour cette astronaute, qui montre « qu’une femme peut être à la fois une mère et une professionnelle de haut niveau », explique la réalisatrice.
Pour réaliser son film, cette dernière a rencontré longuement Claudie Haigneré, la première astronaute européenne. Elles ont assisté toutes les deux à son avant-première du film le 5 novembre dernier, à la Cité de l’Espace de Toulouse, dont l’astronaute française est la marraine.
Au-delà de son vécu au Centre européen des astronautes de Cologne ou à la Cité des Etoiles de Baïkonour, deux sites que l’on retrouve dans le film, elle a pu évoquer sa propre aventure en tant que femme et mère.
Montrer « la face cachée » de la préparation
« La notion de préparation à la « séparation » prend tout son sens : séparation d’avec la Terre et d’avec ceux qui nous sont très chers, l’enfant pour la mère. C’est la première fois que l’on montre cette face « cachée » : la préparation, le chemin, le parcours physiologique et mental, la constitution progressive de la confiance et de l’esprit d’équipe, la capacité à se dépasser et à franchir le pas », assure l’astronaute, aujourd’hui conseillère auprès du directeur général de l’Agence spatiale européenne.
Lorsque Claudie Haigneré décolle en 2001 pour une mission de dix jours à bord de la Station spatiale internationale, sa fille Carla, à trois ans. Quelques années de moins que celle de l’héroïne de Proxima. Mais elle a le soutien de son mari, l’astronaute Jean-Pierre Haigneré, alors que Sarah est mère célibataire.
« Nous étions ensemble à la Cité des Etoiles, alternativement au sol ou à bord, donc toujours un des deux parents présents auprès de notre petite fille lors des missions successives. Elle a vécu toute son enfance à la Cité des Etoiles et donc complètement intégrée à cette vie d’enfants d’astronautes, elle trouvait même curieux qu’on lui pose la question d’une différence puisque pour elle, c’était le lot de tous les enfants avec qui elle était au jardin d’enfant en Russie », avance l’astronaute pour qui sa fille n’avait pas vraiment conscience du risque.
A l’époque, Claudie Haigneré n’avait pas été préparé particulièrement à la séparation. « Je pense que ce sont ceux qui restent au sol qui ont davantage besoin de soutien que ceux qui partent à la conquête de leurs rêves. Mais comme dans le film, nous avons des accompagnateurs médicaux ou pour la famille », relève-t-elle.
Bien avant leur départ, et longtemps après leur retour, ils sont quelques-uns à assurer ce rôle de « nounous » d’astronautes, faisant en sorte de leur faciliter la vie. Romain Charles, ingénieur support au corps européen des astronautes est l’un d’entre eux. Préférant le surnom « d’ange gardien », il a été l’interlocuteur privilégié de Thomas Pesquet lors de sa mission.
Se préparer lors d’un (faux) lancement
De la revue de presse à la nourriture spatiale, en passant par les communications privées, il gère de nombreux à-côtés. « On marche sur une ligne, entre la vie privée et la vie professionnelle, on doit connaître leurs parents, leur famille. Nous ne sommes pas là pour remplacer l’astronaute auprès de sa famille mais pour les aider lors de périodes intenses », explique celui qui connaît par cœur la question de la séparation pour l’avoir vécu durant près d’un an et demi lors du programme expérimental Mars 500.
Et le meilleur moyen d’être prêt le jour du lancement, c’est de discuter, mais aussi d’anticiper en associant à la famille aux étapes clés. C’est ce qu’a décidé de faire l’Agence spatiale européenne il y a quelques années.
Avant le vrai départ, les proches sont invités à vivre les conditions d’un lancement sur place. « On invite alors les époux et épouses à voir comment cela se passe, même si l’astronaute ne part pas, cela permet d’approcher la campagne suivante de manière sereine car la famille aura déjà fait l’expérience », assure Romain Charles. Tout est décrypté, du rôle de chacun de leurs interlocuteurs, à la place où ils se trouveront le jour J. Un moyen de dédramatiser et de rassurer au sol et dans les airs.