Ils ont fumé du cannabis pour les besoins d’une étude scientifique

Drogues : Ils ont fumé du cannabis pour les besoins d’une étude scientifique

C'EST LEGALRésultats : il y a plus d’effets sur la conduite quand on est un fumeur occasionnel qu’un fumeur régulier
20 Minutes avec AFP

20 Minutes avec AFP

Ils ont fumé des joints, mais pour la science, avec de l’herbe fournie par la police : une étude présentée ce mercredi évalue les effets de la consommation occasionnelle et chronique de cannabis sur la conduite, en se basant, fait rare, sur ce qui se passe quand on fume vraiment. D’habitude « on utilise des sprays ou des décoctions. Là, on montre réellement ce qui se passe dans la vraie vie, avec du cannabis fumé, ce qui est important du point de vue médical », explique l’un des auteurs, Jean-Claude Alvarez, spécialiste de pharmacologie et toxicologie à l’Inserm.

Si la drogue était bien réelle, l’expérience n’a (évidemment) pas été menée sur la route : les fumeurs ont pris le volant d’un simulateur de conduite. L’étude a été menée en 2017-2018 par des chercheurs des hôpitaux Raymond-Poincaré à Garches (AP-HP) et Sainte-Marguerite à Marseille. Ils ont recruté 30 fumeurs de cannabis, rémunérés, des hommes de 20 à 34 ans dont une moitié était des fumeurs occasionnels et l’autre des fumeurs chroniques.

Recrutement dans les facs de médecine et de droit

Le recrutement s’est fait par voie d’affichage dans des facs de médecine et de droit. L’expérience s’est déroulée durant trois sessions de vingt-six heures. Le cannabis utilisé était de l’herbe – « de qualité » selon les chercheurs – qui provenait des saisies policières, après le feu vert des autorités judiciaires. La méthodologie était stricte, comme dans toute expérience de ce type. Le dosage était très précis, il y avait des placebos et une manière précise de fumer, etc. Le processus s’accompagnait de prises de sang et de tests salivaires.

Résultat sans surprise : la consommation de cannabis entraîne une augmentation rapide du THC dans le sang, ce qui allonge le temps de réaction. Mais cet allongement est plus marqué chez les fumeurs occasionnels, sur qui, en outre, l’effet dure plus longtemps (treize heures contre huit pour les chroniques). Cela s’explique par « une tolérance plus grande » aux effets de la drogue chez ceux qui fument le plus. A l’inverse, le THC reste détectable dans le sang plus longtemps chez les fumeurs chroniques.

« Nous n’avons initié personne »

Enfin, l’étude révèle des différences dans la façon même de fumer : « Les chroniques tirent davantage sur les joints, car cela leur fait moins d’effet et ils ont besoin d’une dose supérieure », selon le Jean-Claude Alvarez. L’expérience a valu aux chercheurs français des critiques de collègues américains, heurtés par le fait qu’on utilise de vrais joints, dit le Jean-Claude Alvarez. « Bien entendu, nous n’avons initié personne, les sujets étaient tous consommateurs », insiste-t-il.

En France, depuis 2010, quelque 500 personnes sont tuées chaque année dans un accident de la route avec stupéfiants (cannabis ou autres), selon les chiffres officiels.