Thomas Pesquet: «Aujourd’hui, la Lune pourrait devenir ma prochaine destination»
INTERVIEW•Conquête spatiale, prochaine mission et basket sur la Lune… Le spationaute français Thomas Pesquet a répondu aux questions de « 20 Minutes »Propos recueillis par Lucie Bras et Floréal Hernandez
L'essentiel
- Le 21 juillet prochain marque le 50e anniversaire du premier pas sur la Lune par Neil Armstrong.
- Un mois avant la date clé, 20 Minutes a rencontré le spationaute français Thomas Pesquet.
- Né neuf ans après cette étape décisive dans la conquête spatiale, il pourrait être l’un des spationautes choisis pour retourner sur la Lune.
«C’est un petit pas pour un homme, mais un bond de géant pour l’humanité », a lancé l’astronaute Neil Armstrong, une fois le pied sur le sol lunaire, le 21 juillet 1969. Dans un mois jour pour jour, on fêtera les 50 ans de l’Homme sur la Lune, étape historique de la conquête spatiale. Pour fêter cet anniversaire, Thomas Pesquet sera présent au Grand Palais, le 20 juillet, pour une soirée spéciale. Lundi, au Salon international de l’aéronautique et de l’espace du Bourget (SIAE), le spationaute français a raconté à 20 Minutes son rapport à la Lune et son rêve d’y poser un pied un jour.
Quand vous étiez dans la station spatiale internationale, preniez-vous le temps de regarder la Lune ?
Ça m’arrivait assez régulièrement, oui. J’ai notamment fait une photo qui est sympa, où on voyait le lever de Lune sur l’horizon de la Terre. Malheureusement dans l’ISS [Station spatiale internationale], on a beaucoup de fenêtres qui regardent vers le bas, vers la Terre [et non vers la Lune ou l’espace]. Ce n’est pas grave. L’ISS n’est pas une station d’observation spatiale mais une station d’observation et de recherche centrée vers la Terre. Mais de temps en temps, on peut s’échapper, rêver un petit peu et regarder la lune.
Vous avez vu la Lune depuis l’espace. Est-ce différent d’une observation depuis la Terre ?
Oui. Pourtant, on n’est pas beaucoup plus près. De la Lune à la Terre, il y a 384.000 km à peu près. Dans l’ISS, on vole à 400 km de la Terre. On est vraiment une fraction plus près de la Lune. On ne la voit pas mieux que lors d’une observation avec un télescope performant depuis la Terre. Par contre, on est au-dessus de l’atmosphère, on n’en a pas les perturbations de l’atmosphère, ça c’est pas mal. Ce qui est assez frappant, c’est la vitesse à laquelle elle défile dans le ciel. Quand j’essayais de prendre la Lune en photo, parfois, il fallait presque la suivre de manière assez rapide, ce qui n’est pas le cas quand on la regarde depuis la Terre.
Depuis votre retour sur Terre, prenez-vous toujours le temps de la regarder ?
Oui, ça m’arrive. On parle beaucoup de retourner sur la Lune, de manière plus durable que dans les années 1960. D’en faire un objectif concret, ça change la perspective. Je me prends à la regarder en me disant : « Tiens, quand même, comment ça doit être là-haut ? ». Ce qui n’était pas le cas avant, parce que ce n’était pas ma destination. Ma destination, c’était vraiment l’ISS, aujourd’hui ça pourrait devenir la Lune.
Pensez-vous justement mettre le pied sur la Lune un jour ?
C’est un grand rêve. C’est vraiment la prochaine étape annoncée de l’exploration spatiale humaine. Maintenant que l’ISS est construite, établie et fonctionne à plein régime en tant que laboratoire – ce pour quoi elle a été construite –, on va l’exploiter tant qu’on peut jusqu’à la fin des années 2020. Et en même temps, on va commencer la phase suivante, c’est-à-dire retourner vers la Lune mais pas juste pour planter un drapeau, revenir sur Terre et dire on a gagné la course. Non, on ira sur la Lune vraiment pour y rester.
Pensez-vous pouvoir être l’un des spationautes envoyés sur la Lune ?
Oui, parce qu’aujourd’hui, le timing est le suivant : les Etats-Unis ont dit qu’ils voulaient mettre un homme sur la Lune en 2024. Même si ça prend quelques années de retard, avant 2030, on aura des astronautes sur la Lune en partenariat avec l’Agence spatiale européenne notamment. Ce qui veut dire qu’il y a une chance non négligeable pour que des Européens aillent sur la Lune avant la fin des années 2030 et ça, ça me laisse encore largement le temps de faire partie de cette aventure-là.
En 1971, Alan Shepard (mission Apollo 14) a joué au golf sur la Lune. Et vous, si vous avez l’occasion d’y poser le pied, quelle activité insolite feriez-vous ?
Ah, je ne sais pas ! Moi, je suis fan de basket. Donc aller sur la Lune et pouvoir faire des sauts hyper loin, hyper haut, ça pourrait peut-être m’aider à améliorer mon jeu. Ce serait ça mon trip à moi sur la Lune. Un peu à la Space Jam.
Vous êtes né neuf ans après les premiers pas de l’Homme sur la Lune lors de la mission Apollo 11. Vous êtes-vous nourri enfant de récits ou de vidéos de la conquête lunaire ?
Pas vraiment et c’est ça qui est intéressant. Mes collègues de la dernière promotion de l’Agence spatiale européenne et moi [2009], on n’était pas nés au moment de cette conquête spatiale. C’est la première fois que des gars et des filles qui n’étaient pas nés à cette époque-là partent dans l’espace. On n’a pas grandi avec ça. Par contre, mes collègues plus âgés racontent tous qu’ils se rappellent de cette nuit-là [du 21 juillet 1969], qu’ils étaient devant la télé. Moi, ce n’est pas le cas. Ce n’est pas que ça ne me parle pas, mais on s’est construit différemment. On était plus tournés vers l’avenir. Eux avaient ce truc énorme derrière eux. On est plus libérés par rapport à ça. Ironie du destin, c’est notre génération qui a une chance de retourner sur la Lune. Enfant, j’ai plutôt grandi avec la navette spatiale [américaine], les débuts de la station spatiale internationale. C’était ça ma génération, pas la conquête de la Lune.