Strasbourg: Depuis cinq ans, un accélérateur de particules aide à mieux traiter les cancers
SANTE•Pensé il y a pile dix ans et en fonctionnement depuis 2013, le cyclotron strasbourgeois (Bas-Rhin) permet à des chercheurs de développer de nouveaux moyens de cibler et traiter les cancers par radioactivité...Bruno Poussard
L'essentiel
- Projet né il y a tout pile dix ans ce mardi, l'accélérateur de particules à visée médicale Cyrcé tourne à Strasbourg (Bas-Rhin) depuis 2013.
- Ce cyclotron est destiné à produire des éléments radioactifs pour mieux diagnostiquer et soigner, entre autres, les cancers sur des êtres humains.
L’accélérateur de particules strasbourgeois est bien caché. Destiné à produire plusieurs éléments radioactifs pour mieux diagnostiquer et soigner, entre autres, les cancers, ce cyclotron est entouré de deux mètres de bétons sur le campus du Centre national de la recherche scientifique de Cronenbourg (Bas-Rhin). Sas, surchaussures, contrôles des radiations, la sécurité est grande.
Depuis 2013, l’installation sous forme de cube nommée Cyrcé tourne une centaine de jours par an à une vitesse proche de la lumière. Elle crée des particules (des isotopes) à la radioactivité faible. Fixées sur des molécules, elles sont ensuite intégrées chez des êtres vivants. Certaines sont déjà utilisées à l’hôpital. D’autres sont encore en phase de test, sur des souris, notamment.
Pour mieux visualiser les tumeurs à l’intérieur du corps
Né il y a dix ans ce mardi, le projet Cyrcé vise d’abord à penser l’imagerie médicale de demain, la tomographie par émission de positons (TEP), développée ces dernières dizaines d’années. Pour la cancérologie ou la neurologie, c’est un moyen de mieux visualiser ce qu’il se passe dans le corps, plus précisément qu’avec la radiographie, afin de trouver les cellules cancéreuses et connaître leur état.
Un exemple : comme les cancers consomment du glucose, les hôpitaux utilisent déjà des molécules de glucose, mais radioactivement marquées (au fluor 18), afin de cibler les tumeurs grâce à un captage en 3D par les appareils de TEP. Mais au sein de l’Institut pluridisciplinaire Hubert Curien de l’université de Strasbourg, le département de radiobiologie, hadronthérapie et imagerie moléculaire, va plus loin.
Pour traiter plus précisément des cellules cancéreuses
Le cyclotron Cyrcé permet aussi de traiter directement des tumeurs (avec des protons), d’une manière là aussi plus précise que la radiothérapie. « Les rayons X continuent au-delà de la zone ciblée », compare le professeur Patrice Laquerriere. A l’aide d’un grand faisceau situé à côté de leur accélérateur de particules, les chercheurs alsaciens expérimentent ainsi l’effet de plusieurs particules radioactives.
« Cela permet de cibler uniquement une petite zone et d’éviter de toucher les tissus sains autour des cellules malades et d’entraîner des cancers radio-induits », ajoute Patrice Laquerriere. Nommée protonthérapie, la technique est déjà utilisée sur des patients (pour des cancers oculaires ou à la base de la nuque, afin d’éviter de toucher la moelle épinière) à Nice, Caen et Orsay.
Egalement en pointe, l’Institut de cancérologie de Lorraine pourrait s’y mettre. Les spécialistes strasbourgeois collaborent ainsi avec le service de médecine nucléaire du CHRU de Nancy. Co-fondé par ce dernier, le groupement Nancyclotep vient de s’installer à côté du cyclotron alsacien (un des deux seuls dédiés à ces recherches en France) pour amener de nouvelles molécules jusqu’au lit des patients.
De nouveaux traceurs radioactifs avantageux à Strasbourg
C’est que les scientifiques alsaciens - avec d’autres spécialistes français - ont largement avancé sur de nouveaux traceurs radioactifs, d’une durée de vie plus longue, passant de quelques heures à quelques jours. Récemment testé, le zirconium 89 dispose par exemple d’une radioactivité de quatre jours, contre deux heures seulement pour le fluor 18, standard dans le domaine.
« Certains anticorps mettent du temps à atteindre leur cible dans le corps », justifie Patrice Laquerriere. Là où l’accélérateur de particules alsacien travaille déjà avec des services dédiés du Grand Est (sur des cancers du pancréas, par exemple), ses isotopes pourront désormais être transportés aussi et utilisés plus loin. Mais avec précaution, dans des centimètres de plomb.