Trix le «T. rex» passe l'été à Paris… Ne vous planquez pas, allez le voir

Trix le «T. rex» passe l'été à Paris… Ne vous planquez pas, allez le voir

INTERVIEWLe squelette de cette femelle tyrannosaure est l’un des quatre fossiles de « T. rex » les plus complets découverts à ce jour. Il arrive ce mercredi par camion au Museum national d’histoire naturelle de Paris où il sera visible à partir du 6 juin…
Fabrice Pouliquen

Fabrice Pouliquen

L'essentiel

  • Du 6 juin au 2 septembre, le Museum national d’histoire naturelle, à Paris, accueille dans le cadre d’une exposition qui lui est dédiée, Trix, le fossile d’une femelle tyrannosaure ayant vécu il y a 67 millions d’années.
  • Pour Trix, exhumée dans le Montana en 2013, les paléontologues n’ont pas découvert quelques os, mais 75 % du squelette et dans un bon état de conservation. De quoi faire de Trix l’un des quatre fossiles les plus complets découverts à ce jour.
  • Et le squelette a parlé, explique à 20 Minutes le paléontologue Ronan Allain, commissaire scientifique de l’exposition. Trix était âgée d’une trentaine d’années lors de sa mort et a visiblement eu une vie mouvementée.

Au summum de sa forme, elle nous aurait avalés comme on gobe une tomate cerise à l’apéro. Tout juste une mise en bouche pour ce molosse de huit tonnes aux dents acérées. Mais 67 millions d’années se sont écoulés et Trix, la femelle tyrannosaure, n’est plus que d’os.

Mais quel squelette ! Trix est l’un des quatre squelettes de tyrannosaures les plus complets au monde. Le fossile a la particularité aussi d’avoir été reconstitué non pas debout, comme la plupart des autres tyrannosaures exposés dans les musées, mais avec la tête au niveau du sol. Comme si Trix était en positon d’attaque ou voulait montrer au public sa mâchoire broyeuse d’os.

C’est la première fois qu’un fossile de T. rex aussi bien conservé fait escale en France. Car oui, Trix s’apprête à poser sa carcasse à Paris. Du 6 juin au 2 septembre, au Museum national d’histoire naturelle, le temps d’une exposition qui lui est intégralement consacrée : « Un T. rex à Paris ». Qui était Trix ? Comment est-elle arrivée jusqu’à nous ? Le paléontologue Ronan Allain, commissaire scientifique de l’exposition, répond aux questions de 20 Minutes.

Est-ce que ce fut compliqué de faire venir Trix à Paris ?

Pas tant que ça, si on parle des démarches administratives. Si on remonte l’histoire, Trix a été découverte en 2013 dans le Montana [Etats-Unis] par une équipe de chercheurs du Naturalis Biodiversity Center de Leiden, le Museum d’histoire naturelle des Pays-Bas. La femelle T. rex a été montée une première fois aux Etats-Unis puis transférée par avion à Leiden en octobre 2016 et y a été exposée jusqu’en juin dernier. Mais Naturalis est en ce moment fermé pour rénovation en vue notamment de concevoir une pièce consacrée à Trix. En attendant, Leiden en fait profiter les autres musées. Nous avons tout simplement reçu un courriel pour savoir si nous étions partants pour l'accueillir. Juste avant Paris, Trix a aussi pu découvrir Barcelone [ et avant encore à Salzbourg. Après Paris, elle partira en Chine].

Trix ne voyage jamais sans sa carte d'identité.
Trix ne voyage jamais sans sa carte d'identité. - / Photo Naturalis Biodiversity Center de Leiden

Trix supporte bien les voyages ?

Oui, forcément, sur ce point, ça se corse. Trix doit arriver ce mercredi, tôt le matin, depuis Barcelone. Un seul camion suffit pour transporter le spécimen, mais les caissons les plus lourds avoisinent les 800 kg, et il faudra leur faire passer les marches qui mènent aux galeries. Le montage à proprement dit devrait s’étaler sur deux jours, voire deux jours et demi. Naturalis envoie sa propre équipe pour exécuter l’opération complexe à mener. Il s’agit d’abord de monter une structure métallique sur laquelle on vient poser les os du squelette, dans un ordre bien précis bien sûr, et avec cet impératif de ne surtout rien faire tomber. Et je ne connais pas précisément le nombre d’os qui constituent le squelette, mais on est au-delà de la centaine. Et il faut avoir en tête que le fossile fait 12,5 mètres de long pour quatre mètres de haut.

Qu’est-ce qui rend Trix si unique ?

Ce fossile est déjà rare parce qu’il est très complet. Même l’un des quatre fossiles les plus complets au monde. Nous avons exhumé à ce jour une cinquantaine de spécimens de tyrannosaures dans le monde, mais, pour la plupart, on n'a découvert que quelques os seulement. Parfois même juste deux. Pour Trix, on a découvert 75 % du squelette et dans un très bon état de conservation. C’est remarquable quand on sait que ce fossile date de 67 millions d’années et qu’il faut que des conditions très particulières soient réunies pour qu’un organisme se fossilise. Enfin, pour Trix, on a son crâne original, non déformé. On avait déjà retrouvé par le passé des crânes de T. rex très bien conservés, mais sans trouver alors le reste des squelettes. Le tout a permis de réaliser un très bon montage du fossile. Si bien que quand on regarde aujourd’hui les photos de Sue [ autre squelette de Tyrannosaure très complet découvert en 1990 et exposé à Chicago], on se dit qu’il a pris un coup de vieux.

Qu’est-ce le squelette de Trix nous apprend de ce que fut la vie de ce tyrannosaure ?

Des grandes caractéristiques ont pu en effet être déterminées à partir de l’étude approfondie des os. On sait donc que Trix était une femelle. On sait aussi qu’elle était âgée lors de sa mort d’une trentaine d’années. C’est sûrement un âge très avancé pour un tyrannosaure, les autres spécimens découverts avaient, pour ceux qui avaient vécu le plus longtemps, autour des 25 ans. Pour ce qui est de son régime alimentaire, c’est facile, il suffit de regarder sa mâchoire pour en déduire que Trix était un carnivore redoutable. Redoutable mais pas intouchable. Plusieurs blessures et des marques pathologiques ont été retrouvées sur ses os. Dont des côtes fracturées sur le flanc mais qui se sont ressoudées et une trace de morsure au niveau de la mâchoire. Elle avait aussi de l’arthrose au niveau des os de sa queue. Trix a donc visiblement survécu à au moins une attaque.

A-t-on des chances d’exhumer encore des fossiles de T. rex aussi complets que Trix ?

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, oui. D’autant plus que nous savons où chercher : dans la formation géologique de Hell Creek qui couvre quatre Etats des Etats-Unis [Montana, Dakota du nord et du Sud, et le Wyoming] ainsi qu’une petite partie du sud du Canada. On a découvert dans cet ensemble de couches géologiques un nombre impressionnant de fossiles, notamment datant de l’époque du Crétacé supérieur [entre 100 et 66 millions d’années]. Trix comme Sue ont été découverts dans ce site géologique. Et on continue d’en exhumer des spécimens*. Tant mieux, nous avons encore beaucoup à apprendre sur le tyrannosaure. Nous ne savons pas par exemple s’il était un animal social, capable de vivre en groupe. A ce jour, à chaque fois qu’un squelette a été découvert, il n’y avait pas de congénères autour.

*Fin mars, des chercheurs de l’université de Kansas ont annoncé la découverte d’une petite mâchoire de 40 cm vieille de 66,4 millions d’années et qui pourrait être celle d’un bébé T. rex, rapportait Le Figaro.