«C'est la première fois qu'on observe la naissance d'une supernova à un stade si précoce»
INTERVIEW•Un astronome amateur a découvert une supernova, et selon une étude publiée dans la revue « Nature » et détaillée par Federico Garcia, jamais le phénomène n’avait été étudié à un stade aussi précoce…Propos recueillis par Anissa Boumediene
L'essentiel
- En Argentine, un astronome amateur a découvert une supernova.
- C’est la première fois que le phénomène, qui consiste en une gigantesque explosion d’une étoile massive en fin de vie, a pu être observé et étudié à un stade aussi précoce.
- Federico Garcia, chercheur au CEA et coauteur de l’étude, décrypte pour 20 Minutes les enjeux de cette découverte.
Ils sont nombreux à passer leur vie à tenter de faire la même découverte. En vain. L’Argentin Victor Buso est cependant un homme chanceux… et heureux. Il n’avait pas plus d’une chance sur 100 millions d’y parvenir, pourtant, alors qu’il testait un nouvel appareil photo sur son télescope, cet astronome amateur a découvert une supernova.
Ce phénomène, rarissime, fait l’objet d’une étude publiée ce mercredi dans la revue scientifique Nature. Federico Garcia, coauteur de l’étude et chercheur au Commissariat à l’énergie atomique (CEA) et à l’université Paris-Diderot, revient pour 20 Minutes sur cette incroyable découverte.
Qu’est ce qu’une supernova ? Et en quoi celle découverte par Victor Buso est-elle particulière ?
Une supernova, c’est l’explosion d’une étoile de grande masse qui meurt. Cela ne peut concerner que des astres faisant au moins huit à dix fois la masse du Soleil. La masse initiale de cette étoile a été évaluée à environ 20 fois celle de notre Soleil. Dans l’explosion, la matière composant l’astre a été éjectée à plusieurs milliers de kilomètres par seconde. La quantité d’énergie soudainement libérée a été telle que l’étoile a pu briller aussi fort qu’une galaxie entière et être visible depuis la Terre.
Avec la découverte de Victor Buso, nous avons pu pour la première fois suivre et mesurer l’évolution de la supernova dès sa phase la plus précoce. Alors qu’une vingtaine de supernovæ de ce type (Type IIb SN) sont détectées chaque année, seules quelques-unes d’entre elles peuvent être observées en détail. Jusqu’à la découverte de Victor Buso, aucune supernova n’avait été détectée si tôt et avec un tel degré de précision. Autrement dit, c’est la première fois qu’on observe la naissance d’une supernova à un stade si précoce.
La naissance d’une supernova est rare et imprévisible. Le plus souvent, les astronomes la détectent plusieurs heures voire plusieurs jours après l’explosion, jamais dès le début comme l’a fait Victor Buso. Le phénomène initial qu’il a réussi à capturer dure quelques heures. Après l’explosion, la matière éjectée par la supernova se refroidit pendant quelques jours puis se réchauffe à nouveau, à cause de la désintégration des éléments radioactifs. Ce phénomène-là dure plusieurs mois et a été très bien étudié par le passé.
Quels enseignements sur les supernovæ en général avez-vous pu tirer de cette étude publiée dans « Nature » ?
Les modèles théoriques utilisés précédemment par les astrophysiciens sont corroborés par les résultats observés par Victor Buso. La découverte de cette supernova a ainsi pour la première fois permis de tester la validité́ de ces modèles dans toute leur étendue et sur des données réelles. C’est remarquable.
Nous avons pu observer une augmentation spectaculaire de la luminosité de la supernova : en moins d’une demi-heure, l’objet avait multiplié sa luminosité par trois. Et cette augmentation de la luminosité́ correspond bien au moment exact où l’onde de souffle de l’explosion émerge de la surface stellaire, après avoir traversé l’intérieur de l’étoile de façon supersonique. Les modèles théoriques l’avaient prédit, mais jusqu’à présent, cela n’avait jamais été observé.
Quel rôle les supernovæ jouent-elles dans l’univers ?
Les supernovæ enrichissent l’univers avec des éléments chimiques plus lourds que l’hydrogène et l’hélium : les métaux ou éléments lourds. De plus, elles injectent une grande quantité d’énergie cinétique, ce qui contribue à la formation de nouvelles étoiles. C’est pourquoi les astrophysiciens pensent qu’elles jouent un rôle capital dans l’histoire de l’univers.