Quand les super-pouvoirs d'une bactérie servent à soigner les maux de ventre
SANTE•Des chercheurs toulousains de l’Institut de recherche en santé digestive viennent de publier une étude sur le rôle d’une bactérie probiotique dans le traitement des douleurs dues au syndrome de l’intestin irritable…Béatrice Colin
L'essentiel
- 5 % de la population française souffre du syndrome de l’intestin irritable, une malade chronique qui provoque des maux de ventre.
- Des chercheurs toulousains ont décortiqué le rôle d’une bactérie probiotique dans le traitement des douleurs du syndrome de l’intestin irritable et ont breveté une nouvelle famille de molécules pouvant être utilisée comme médicament antidouleur.
Des maux de ventre et ballonnements insoutenables. Pour 5 % des Français, c’est une réalité qui les empêche régulièrement de se rendre au boulot et de pouvoir mener une vie normale.
Ces malades, affectés du syndrome de l’intestin irritable, se tournent depuis quelques années vers des traitements probiotiques, de « gentils » micro-organismes que l’on retrouve déjà dans nos intestins, mais aussi dans les yaourts et qui, pour la plupart, sont commercialisés sous forme de capsules.
Les vertus de l’Escherichia coli
Son nom provoque des sueurs froides aux spécialistes de l’hygiène, pourtant un membre de la famille des Escherichia coli est l’une de ces bactéries utilisées pour ces traitements thérapeutiques par voie orale. Des chercheurs toulousains de l’Institut de recherche en santé digestive (Inserm/INRA/Université Toulouse III – Paul Sabatier, ENVT) ont décidé de décortiquer son rôle pour voir comment elle interagit avec les autres molécules pour calmer les douleurs.
Ils ont pu démontrer au cours de leur étude, publiée le 3 novembre dans la revue Nature Communication, que la fameuse bactérie produit une molécule aux super-pouvoirs, appelée lipopeptide, composée d’un acide gras et de deux acides aminés dont le neurotransmetteur GABA.
Celle-ci a alors la capacité de traverser la barrière intestinale et d’aller en quelque sorte éteindre le feu qui anime les neurones sensitifs, à l’origine des douleurs. Mais dès qu’il n’y a plus ce lipopeptide, la bactérie perd ses super pouvoirs, comme Superman quand il tombe sur un morceau de kryptonite.
Médicament anti-douleur d’ici 10 ans
Plutôt que d’utiliser l’Escherichia coli pour soigner les maux de ventre de leurs souris, ils leur ont donc prescrit des lipopeptides. Et ça a marché. « Nous avons breveté les molécules de synthèse pour envisager un traitement de la douleur. La prochaine étape est de mener une preuve de concept, en faisant une étude clinique auprès d’une soixantaine de patients. Si cela fonctionne, l’objectif est, après, de réunir des fonds pour mener de vrais essais cliniques », indique Nicolas Cénac, chercheur de l’Inserm qui a planché sur ce projet avec le professeur Eric Oswald, membre de l’institut de recherche en santé digestive et chef de service Bactériologie et hygiène au CHU de Toulouse.
Si les études cliniques sur les patients sont concluantes, d’ici dix ans un nouveau médicament anti-douleur pourrait arriver dans les pharmacies. Et réduire les files d’attente chez les gastro-entérologues pour qui le syndrome de l’intestin irritable est la première cause de consultation.