Conquête spatiale: Pourquoi la Lune est redevenue «the place to be»?
ESPACE•L’agence spatiale européenne espère qu’un millier d’hommes foulera le sol lunaire « en 2050 »…Thibaut Le Gal
Fly me to the moon/Let me play among the stars. Elle n’a pas été foulée par un humain depuis 1972 mais la Lune pourrait bien redevenir une destination prisée. Le satellite de la Terre serait même « the right place to be » (soit l’endroit où il faut vraiment être), a affirmé l’ESA, l’agence spatiale européenne à l’occasion du 68e Congrès mondial d’astronautique qui rassemble de lundi à vendredi, 4.000 experts internationaux à Adélaïde, en Australie. Pourquoi l’astre nocturne est-il devenu si convoité ? 20 Minutes fait le point.
« On retrouve depuis quelques années un intérêt scientifique indéniable »
« La Lune a motivé une cinquantaine de missions entre les années 1960 et les années 80. Il y a eu de nombreux succès avec en point d’orgue le premier pas de l’homme sur la Lune, mais derrière on a un peu arrêté d’y penser », confie Sylvestre Maurice, astronome à l’Institut de recherche en astrophysique et planétologie (IRAP), de l’université Toulouse III-CNRS-CNES. « On retrouve depuis quelques années un intérêt scientifique indéniable ».
Il y a d’abord le projet européen « Moon village », porté par l’ESA. Un des astrophysiciens en charge du projet, Bernard Foing, a récemment précisé qu’une première colonie composée de six à dix personnes (scientifiques, ingénieurs, techniciens) pourrait s’installer sur la Lune d’ici 2030. Et à terme, c’est un millier d’hommes qui pourrait fouler le sol lunaire « en 2050 ».
De son côté, la Nasa travaille sur le projet « Deep Space Gateway » qui prévoit d’envoyer des astronautes en orbite lunaire, à l’aide de nouvelles fusées développées par l’agence spatiale américaine, avec l’aide récente de la Russie. La Chine souhaite elle envoyer deux sondes lunaires : Chang’e-5, qui devait collecter des échantillons de surface lunaire au deuxième semestre 2017 ; et Chang’e-4, qui devait se poser sur la face cachée de l’astre en 2018. Plusieurs initiatives privées sont également dans les cartons, comme le concours Google X Prize ou le projet Space X d’Elon Musk.
« Le meilleur endroit pour tester de nouvelles technologies »
Alors, comment expliquer cet intérêt renouvelé ? « La Lune est un petit peu la pierre de Rosette qui permet de comprendre le système solaire », rappelle le spécialiste. C’est grâce à elle que l’on a compris comment fonctionnaient les planètes. La lune fait toujours figure de terrain scientifique ».
Sylvestre Maurice évoque également d’autres raisons : « La Lune reste le meilleur endroit, et le plus proche, pour tester les nouvelles technologies, qui nous serviront par exemple à aller un jour sur Mars », ajoute-t-il. « C’est aussi une question politique. Il y a eu une confrontation entre les Soviétiques et les Américains pendant la Guerre froide. Mais depuis plusieurs années, de nouveaux pays émergent et secouent les vieux pays dans ce domaine, comme la Chine, l’Inde ou le Japon ».
L’hélium 3 pour financer ces missions ?
Reste une problématique : la question du financement. « C’est très frustrant (…) Les grands leaders n’ont pas encore montré leur intérêt », a reconnu il y a quelques jours le physicien Vidvuds Beldavs, de l’université de Lettonie, qui milite pour l’exploration conjointe de la Lune. Pour y parvenir, il faudrait « arriver à démontrer qu’une activité industrielle sur la Lune est possible, que (…) de grands marchés peuvent émerger », a-t-il précisé.
L’hélium 3, un isotope rare sur notre planète mais commun sur son satellite, est souvent évoqué. « Il n’y a pas de matériaux inconnus sur la Lune, mais des concentrations différentes que nous connaissons, notamment pour l’hélium 3, déposé par les vents solaires, reconnaît Sylvestre Maurice. Mais pour l’instant, ça ne sert à rien, même s’il n’est pas impossible de trouver un jour une utilité, peut-être pour produire des mécanismes de fusion ».
Autres ressources évoquées : le basalte, une roche volcanique, qui pourrait être utilisée comme matière première pour fabriquer des satellites grâce à l’impression 3D ou l’exploitation de l’eau, enfermée dans la glace des pôles de la Lune.