La découverte d'un crâne de primate âgé de 13 millions d'années chamboule les théories sur l'évolution des grands singes
ARCHEOLOGIE•Ce crâne permet de se faire une idée plus précise de ce à quoi pouvait bien ressembler l'ancêtre commun aux grands singes vivants et aux humains...20 Minutes avec AFP
Il était âgé de un an et quatre mois au moment de sa mort et aurait pesé environ 11 kilos. Le crâne d’un jeune primate âgé de 13 millions d’années, fossile de grand singe le plus complet pour le Miocène découvert à ce jour, a été sorti de terre près du lac Turkana, au nord du Kenya.
« Il ne lui manque que ses dents de lait qui ont été cassées »
Le crâne a été découvert en 2014 par l’équipe du professeur Isaiah Nengo (institut du Bassin du Turkana et de l’université américaine de Stony-Brook) dans des sédiments volcaniques de la région de Napudet, à l’ouest du lac Turkana.
« C’est exceptionnel car le crâne est quasiment complet. Il ne lui manque que ses dents de lait qui ont été cassées », explique aujourd’hui Paul Tafforeau, paléoanthropologue à l’ESRF, le synchrotron européen de Grenoble (France) où le fossile a été scanné en trois dimensions.
Surnommé Alesi (« ales » signifiant ancêtre en langue Turkana), le fossile est celui d’une nouvelle espèce appartenant au genre Nyanzapithecus, une branche primitive des hominoïdes. Surtout, il permet de se faire une idée plus précise de ce à quoi pouvait bien ressembler l’ancêtre commun aux grands singes vivants et aux humains.
Alesi, entre gibbon et chimpanzé
En effet, comme le rappelle Isaiah Nengo dans son étude publiée ce mercredi dans la revue Nature, le groupe des hominoïdes, dit des grands singes (« ape » en anglais), comprend actuellement les humains, les chimpanzés, les gorilles, les bonobos, les orangs-outans et les gibbons. Et Alesi, lui, « ressemblait à un gibbon » sur certains aspects. Le primate avait une face plate mais il ne se déplaçait pas de la même façon que les gibbons.
« Sa séquence dentaire est la même que celle des gibbons actuels », ajoute Paul Tafforeau. Mais son oreille interne est très différente de celle de ces derniers, très agiles pour se déplacer dans les arbres. Elle ressemble davantage à celle d’un chimpanzé.
L’origine des grands singes bel et bien en Afrique
« Alesi vivait pendant le Miocène (entre 23 millions et 5 millions d’années) et faisait partie d’un groupe de primates qui a vécu en Afrique pendant plus de dix millions d’années », note également Isaiah Nengo. « Sa découverte montre que ce groupe était proche de l’origine des grands singes actuels et des humains et que cette origine se trouvait en Afrique. »
Jusqu’ici le plus vieux fossile de grand singe connu a été découvert dans des dépôts vieux de 25 millions d’années en Tanzanie, mais il ne s’agit que d’un maxillaire. Ce crâne vient donc combler un manque et les paléontologues s’en réjouissent. « Je n’aurais jamais pensé que cela se produirait de mon vivant », a même écrit Brenda Benefit, de l’université du Nouveau Mexique (Etats-Unis), dans un commentaire publié dans la revue Nature.
« On se doutait que l’origine du groupe était en Afrique mais ce fossile permet de montrer que l’évolution principale du groupe est bien restée sur ce continent », relève Paul Tafforeau, coauteur de l’étude. « Cela invalide en grande partie une théorie dite du "ticket aller-et-retour", c’est-à-dire le fait que le groupe des hominoïdes serait apparu en Afrique, aurait évolué en Asie et serait revenu en Afrique après. »