Un médicament antitabac très dopant

Un médicament antitabac très dopant

MEDECINE – Utilisé pour l’aide au sevrage tabagique, le Zyban permet également aux sportifs de travailler en surrégime…
Yaroslav Pigenet

Yaroslav Pigenet

D’abord commercialisé comme antidépresseur, puis comme médicament d’aide au sevrage tabagique, le bupropion (commercialisé sous la marque Zyban) pourrait aussi être utilisé comme dopant par les sportifs. C’est ce que vient de démontrer une équipe internationale de chercheurs dirigée par Romain Meeusen du service de Médecine du Sport de l’Université Libre de Bruxelles (Belgique).

Le cerveau n’aime pas surchauffer

Avec des températures moyennes prévues de 30°C, lors des jeux olympiques de Pékin, l’un des principaux adversaires des sportifs sera la chaleur. En effet, le cerveau risquant des dommages irréversibles au-delà de 40°C, celui-ci se protège du risque de surchauffe en générant une sensation d’épuisement complet avant que ce seuil soit atteint: le sportif ressent ainsi un coup de pompe qui le force à ralentir voire s’arrêter alors que ses muscles ne sont pas réellement fatigués.

Tolérance augmentée

En 2005, Meeusen et ses collègues avaient constaté que la prise de bupropion augmentait les performances des cyclistes lorsque la température ambiante dépassait les 30°C ; toutefois cet effet disparaissait lorsqu’on redescendait à 18°C. Les chercheurs avait alors suggéré que le bupropion agit en augmentant la tolérance de l’organisme à l’élévation de la température corporelle. Une nouvelle étude, menées cette fois sur des rats et publiée dans la revue The Journal of Physiology, leur permet maintenant d’expliquer pourquoi.

Du chaud qui fait plaisir

L’équipe de Meeusen a d’abord pu vérifier que « sous » bupropion, les rats continuent de courir sur le tapis roulant, même quand leur température corporelle dépasse 42°C. Elle s’est également aperçue que, dès que la température interne des rats augmente, leur cerveau secrète une plus grande quantité de noradrénaline (NA) et de dopamine (DA) ; deux neuromédiateurs que l’on sait par ailleurs fortement impliqués dans les centres cérébraux du plaisir et de la motivation.

Or, lorsqu’ils ont chaud, les rats traités au bupropion secrètent encore plus de NA et de DA que les rats «normaux». Selon Meeusen, la surproduction de ces neuromédiateurs procure au cerveau une sensation de plaisir qui finit par masquer les signaux d’alerte – et de fatigue - générés par les centres cérébraux de régulation de la température.

Le Zyban pas encore interdit aux sportifs

La prise de bupropion repousse ainsi artificiellement le seuil au-delà duquel le rat, ou le sportif, commence à se sentir «cuit» par la chaleur. Ce qui, en cas de canicule, permet une augmentation des performances, mais augmente considérablement le risque de coup de chaleur d’exercice. Pourtant, bien qu’il ait été intégré au programme de surveillance 2008 de l’Agence Mondiale Antidopage, le bupropion ne figure pas encore dans la liste des substances interdites en compétition.