S’il y avait de la vie sur Terre, il y a 4 milliards d’années, alors pourquoi pas sur Mars?
PLANETE•Des chercheurs ont découvert des microfossiles au nord-est du Québec qu’ils datent de quelque 4 milliards d’années, lorsque les conditions sur Terre et sur Mars n’étaient pas si éloignées…Fabrice Pouliquen
Précisons-le tout de suite : on parle de micro-organismes, des fossiles dont la longueur n’excède pas le demi-millimètre et le diamètre fait la moitié de celui d’un cheveu humain. Mais qu’importe ici la taille, c’est l’âge qui compte : les minces filaments tout juste trouvés dans des roches du site géologique de la ceinture de Nuvuagittug, près d’Inukjuah au nord est-du Québec, auraient entre 3,77 et 4,29 milliards d’années. Ce qui en ferait la plus vieille trace de vie au monde.
Une découverte qui avance encore l’origine de la vie ?
Cette découverte, établie par une équipe scientifique parmi laquelle plusieurs chercheurs de l’University College of London [qui doit encore être approfondie], a été relatée ce mercredi dans la revueNature. « Le débat scientifique s’engage tout juste, mais cette découverte avancerait potentiellement l’apparition de la vie sur Terre », note Frédéric Foucher, ingénieur de recherche au Centre de biophysique moléculaire du CNRS, à Orléans.
En prenant l’estimation basse établie par les chercheurs, soit 3,77 milliards d’années, ces fossiles précèderaient de 300 millions d’années les plus vieux fossiles jusque-là connus, trouvés en Australie et datés de 3,460 milliards d’années.
Dans une eau à 80° et sous les météorites
Le chercheur n’exclut pas qu’on trouve un jour des traces de vie plus ancienne encore, « mais on se rapproche de plus en plus près de la formation de la Terre, il y a 4,5 milliards d’années, indique-t-il. Nous datons l’origine de la vie aujourd’hui à environ 4 milliards d’années. Plus tôt, c’est difficile. Les conditions sur Terre étaient trop extrêmes, la planète était à peine formée. »
Il faut alors s’imaginer la Terre comme un océan de laves refroidissant petit à petit. « Il y a 4 milliards d’années, par exemple, la température de l’eau avoisinait encore les 80°, selon nos estimations, et la planète subissait un bombardement météorique intense », décrit Frédéric Foucher. Ces microfossiles découverts au Québec posent alors deux questions : « soit, la vie peu apparaître dans des conditions plus extrêmes qu’on ne le pensait, soit nous avons une mauvaise connaissance de ce qu’était la Terre primitive », poursuit le chercheur du CNRS.
Une découverte qui interroge Mars
Mais les interrogations dépassent largement la Terre : c’est aussi de la vie sur Mars dont il est question. Matthew Dodd, l’un des chercheurs de l’University College of London ayant participé à l’étude, n’a pas manqué de le rappeler dans Nature. Cette nouvelle étude montre que « la vie s’est développée sur notre planète à un moment où Mars et la Terre avaient de l’eau liquide à leur surface. »
« La communauté scientifique estime aujourd’hui qu’il faut, pour que la vie apparaisse, de l’eau liquide et de la matière organique [des molécules qui contiennent de l’hydrogène et du carbone], détaille Frédéric Foucher. On trouve cette matière dans les météorites par exemple. » Météorites qui, il y a 4 milliards d’années, bombardaient la Terre… mais Mars aussi.
Autrement dit, il y a 4 milliards d’années toujours, on trouvait sur la planète rouge de l’eau en surface et de la matière organique. Alors, forcément de la vie aussi ? La conclusion est trop rapide. Les scientifiques veulent des preuves, et il n’y en a encore aucune témoignant d’une quelconque trace de vie sur Mars. « Mais si on en trouve un jour, ce ne sera pas le fossile d’un dinosaure, mais bien plus des microfossiles semblables à ceux découverts dans la ceinture de Nuvuagittug », estime Frédéric Foucher.
Deux robots en quête de preuves en 2020
Trouver des traces de vie sera justement la mission de deux robots expédiés sur Mars par l’Agence spatiale européenne (mission exoMars20) et la Nasa, toutes les deux à l’horizon 2020. La mission américaine consiste même à tenter de rapporter des échantillons de roches martiennes en vue de les analyser sur Terre. « 500 grammes, précise Frédéric Foucher. C’est une mission de 4 milliards de dollars. » Les fossiles tout juste découverts au Québec confortent dans l’idée que ça en vaut peut-être la peine.