ESPACE«Space X saura envoyer deux touristes autour de la Lune, mais pas en 2018»

Expédier deux touristes autour de la Lune: « Space X en est capable, mais pas pour fin 2018 »

ESPACEL’annonce d’Elon Musk, le charismatique PDG de Space X, n’a pas laissé insensible Planète Mars, la section française de Mars Society, l’association qui promeut les projets spatiaux…
Fabrice Pouliquen

Propos recueillis par Fabrice Pouliquen

Embarquer deux richissimes touristes dans un voyage autour de la Lune… le tout d’ici fin 2018. Lundi, la dernière sortie médiatique d’Elon Musk, le fondateur de Space X, a eu l’effet d’une bombe.

Ce nouveau projet ferait de Space X la première entreprise privée à réaliser un vol autour de notre satellite naturel. Faut-il y voir un nouveau coup de com’du milliardaire sud-africain, habitué aux annonces fracassantes ? L’ingénieur aérospatial Alain Souchier, et le journaliste spécialisé Jean-François Pellerin, membres de Planète Mars, section française de la Mars Society qui promeut les projets spatiaux et auteurs de Embarquement pour Mars, répondent à nos questions.

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Ce projet est-il si surprenant de la part d’Elon Musk ?

Jean-François Pellerin : « C’est surprenant parce que le grand projet d’Elon Musk, c’est Mars, pas la Lune. En septembre dernier, il dévoilait son plan pour coloniser la planète rouge et espérait les premiers vols habités pour 2024. Alors pourquoi la Lune ? C’est sans doute une façon de se placer face au projet chinois d’envoyer des taïkonautes d’ici les dix prochaines années, ou européen de construire une base permanente sur la Lune qui prendrait la suite de la Station spatiale internationale (ISS) après 2024. »

Pourquoi faire « seulement » le tour de la Lune et ne pas s’y poser ?

Alain Souchier : C’est déjà une question de taille de lanceur. Saturn V, la fusée utilisée par la Nasa en 1969 pour envoyer des premiers astronautes sur la Lune, était trois fois plus performante que le Falcon Heavy de Space X. Il faut aussi développer le module qui permet d’atterrir sur la Lune et de repartir. Space X ne sait pas encore faire. L’expédition qu’envisage Elon Musk consiste à faire le tour de la Lune et revenir sur la Terre aussitôt. Un voyage d’une semaine.

Pour cette expédition, le vaisseau spatial sera le Dragon 2 et sera propulsé par la fusée « Falcon Heavy », deux technologies en cours de développement. N’est-ce pas trop tôt pour songer déjà à y embarquer des hommes ?

Alain Souchier : « Il y aura en effet des étapes à valider avant cette expédition. Space X prévoit le premier lancement de Falcon Heavy cet été et doit aussi desservir l’ISS avec Dragon 2. D’autres vols suivront sur ces deux technologies d’ici fin 2018. Ce projet d’envoyer deux touristes autour de la Lune est donc encore qu’au stade de l’annonce.

Jean-François Pellerin : Mais techniquement, Space X en est capable. C’est une boîte sérieuse. Ils ont déjà un contrat avec la Nasa dans le cadre duquel il ravitaille l’équipage ISS avec le vaisseau cargo Dragon depuis cinq ans. Certes, l’été dernier, Elon Muska connu des déboires avec l’explosion quasi coup sur coup de deux fusées Falcon 9 [le 28 juin 2015 et le 1er septembre]. Auparavant, il y a toutefois eu 18 succès d’affilée et Space X a repris récemment ses vols sans connaître de déconvenues.

Fin 2018 est un délai qui vous semble tenable ?

Jean-François Pellerin : « Sur ce point, j’ai des doutes. Ce délai me paraît trop court, d’autant plus que ce n’est pas le seul défi qu’Elon Musk s’est lancé à court terme. Son entreprise a aussi été choisie par la Nasa, avec Boeing, pourpour transporter des astronautes vers ISS à partir de fin 2017. Pour la première fois, une société privée mettrait en orbite un astronaute. C’est un grand challenge qui accaparera à lui-seul beaucoup d’énergies. A mon sens, ce projet d’envoyer deux touristes autour de la Lune verra le jour, mais plus vers 2020.

Elon Musk garde secret le montant que devront débourser les deux touristes pour ce voyage. Vous avez un ordre d’idée ?

Alain Souchier : Ce n’est pas facile à évaluer. Cette expédition consommera un Falcon Heavy complet, ce qui coûte déjà au moins 150 millions de dollars. Il faut ajouter à cela le coût de Dragon 2. Le montant dépendra aussi de la capacité de Space X à faire de la récupération de matériaux. Pour le premier lancement du Falcon Heavy, cet été, Space X prévoit d’utiliser des boosters [propulseurs d’appoint] récupérés sur des précédents vols.

Quelle est la dangerosité de ce vol et comment les deux touristes devront s’y préparer ?

Alain Souchier : Une fois en route vers la Lune, il n’y a pas de retour immédiat possible en cas de problème technique. La mission Apollo 13, en 1970, l’illustre bien. Après l’explosion d’un réservoir d’oxygène à bord du vaisseau, les trois astronautes avaient dû se réfugier dans le module lunaire, prévu à la base uniquement pour les débarquer sur la Lune. Ils s’en sont sortis sains et saufs mais après avoir trouvé maintes techniques pour économiser leur oxygène et éliminer le CO2 et terminer le voyage. L’entraînement consiste alors surtout à gérer les anomalies et à se préparer au décollage. Elon Musk a précisé que tout serait en automatique dans ce vol, donc les deux touristes n’auront pratiquement rien à faire. Traditionnellement, il faut six mois à un an pour se préparer à une mission spatiale.