Du rififi à l’Inserm

Du rififi à l’Inserm

BIOTECHNOLOGIE – Son directeur démissionne pour s’opposer à la commercialisation prématurée d’un test de dépistage génétique...
Yaroslav Pigenet

Yaroslav Pigenet


Le Professeur Christian Bréchot, directeur général de l’Institut National de la Recherche Médicale (Inserm) depuis 2001, a remis lundi sa démission aux ministres de la Recherche et de la Santé. C’est la dernière péripétie d’un conflit qui oppose depuis des mois l’Inserm et la société biotech Metagenex sur l’opportunité de commercialiser un test génétique inventé par des chercheurs de l’institut public.


Un test prometteur


Un test prometteur

Tout commence en 2000, quand Patrizia Paterlini-Bréchot - par ailleurs épouse de Christian Bréchot- et son équipe du laboratoire de biochimie du CHU Necker-Enfants Malades découvrent une technique permettant de détecter la présence d’anomalies génétiques chez le fœtus à partir d’un simple prélèvements sanguin sur la mère. Ayant besoin de plus de financement pour poursuivre ses recherches sur ce procédé très prometteur et développer un test utilisable cliniquement, la chercheuse fonde la start-up Metagenex en 2001. Le docteur Paterlini-Bréchot et son équipe finissent par mettre au point le test, l’Iset.

Une start-up pour le développer

En juillet 2006, le fond d’investissement de l’assureur AXA injecte 2,5 millions d'euros dans Metagenex et en devient l’actionnaire majoritaire. La fondatrice de Metagenex entre alors rapidement en conflit avec la nouvelle direction, qui souhaite commercialiser immédiatement l’Iset. En effet, elle exige des études complémentaires avant toute mise sur le marché.


Un test pas assez testé


Un test pas assez testé

Metagenex passe outre et lance la commercialisation du test, vendu 165 euros l’unité. En réaction, Patrizia Paterlini-Bréchot alerte alors le Comité national d’éthique (CCNE). Le CCNE lui a donné en grande partie raison en recommandant que «l'évaluation par une autorité de santé (HAS, Afssaps ou Agence de la Biomédecine) demeure un préalable à la commercialisation de tout test/procédé à but diagnostique».

Un avis conforté par un rapport du comité d’éthique de l’Inserm qui s’inquiète qu’on mette sur le marché un test «sans qu'interviennent apparemment, à aucune étape, des recherches cliniques multicentriques rigoureuse, permettant une validation du test (...)».


Brevet bloqué


Brevet bloqué

Entre temps, en raison de la polémique, l’Inserm, l’Assistance Publique Hopitaux de Paris, et l’Université Paris V, qui détiennent encore certains des brevets protégeant l’Iset décident de ne pas les céder à Metagenex. La société fait alors appel aux ministres de la Recherche et de la Santé et menace de poursuites les trois établissements publics. Metagenex accuse par ailleurs le directeur de l’Inserm, époux de Patrizia Paterlini-Bréchot, de conflit d’intérêt.


L’Inserm désavoué par ses ministères de tutelle

Le 21 septembre, ses deux ministères de tutelle demandent à l’Inserm de respecter ses engagements de cession de licences, considérant que l’Etat risque d’être condamné si Metagenex va devant les tribunaux. Réfutant toute accusation de conflit d’intérêt Christian Bréchot décide de démissionner pour «pouvoir traiter librement le dossier l’opposant à la société Metagenex ».


Conflit d’intérêt ou problème éthique?

Par un communiqué, le ministère de la Recherche a pris acte de la décision de Christian Bréchot et estime que cela «permettra de préserver au mieux les interêts de l’Inserm». Il affirme également souhaiter que le litige opposant l’Inserm et Metagenex soit traité «dans le plein respect des questions de droit et d’éthique ».

Une position jugée scandaleuse par le Syndicat national des travailleurs de la recherche scientifique( affilié à la CGT) pour qui «il est invraisemblable que des responsables ministériels ne s’en tiennent qu’à une argumentation juridique et financière pour justifier leur position ne prenant nullement en compte les problèmes déontologiques et éthiques».