GENETIQUECrispr-Cas9, une létg

Crispr-Cas9: Un espoir pour soigner les maladies génétiques mais des inquiétudes éthiques

GENETIQUEDes chercheurs anglais ont obtenu l’autorisation d’utiliser cette technique sur des embryons humains…
Audrey Chauvet

Audrey Chauvet

Manipuler le génome humain : une perspective aussi enthousiasmante qu’inquiétante. Le 1er février, une équipe de chercheurs de l’institut Francis-Crick, à Londres, a obtenu l’autorisation d’utiliser la technique Crispr-Cas9 sur des embryons humains. Une première en Europe qui suscite un grand espoir dans la recherche sur les maladies génétiques mais aussi des inquiétudes éthiques sur la manipulation du génome humain.

Crispr-Cas9, c’est quoi ?

Crispr-Cas9 est une technique de génie génétique qui marquera un tournant dans la recherche sur le génome. Tout part d’un mécanisme naturel de défense des bactéries contre les virus : « Lorsque les bactéries sont attaquées par des virus, elles possèdent un système d’auto-défense qui leur permet de stocker dans leurs chromosomes une partie du chromosome du virus qui les attaque. Si ce virus se représente, elles seront alors en mesure de le détruire », explique Christine Pourcel, chercheur à l’Institut de Biologie Intégrative de la Cellule du CNRS.

Cette « vaccination » des bactéries se produit grâce à des protéines, baptisées Cas9. La méthode Crispr-Cas9 utilise donc les pouvoirs de ces protéines pour cibler une séquence d’ADN et la détruire. « Une fois l’ADN coupé, on va le réparer, en introduisant une mutation », poursuit la chercheuse.



Dans quel cas est-ce utile ?

Crispr-Cas9 a prouvé son efficacité pour corriger des maladies génétiques, notamment en laboratoire sur des souris. L’enzyme va en effet pouvoir « découper » un gène défectueux à l’origine de la maladie et le remplacer. Les souris utilisées par les chercheurs ont ainsi été guéries d’une maladie héréditaire qui les rendait aveugles. Une autre équipe de scientifiques a pu retirer un gène dans le génome du cochon afin de le rendre compatible avec le génome humain et permettre des greffes.

La technique pourrait aussi permettre de remplacer les antibiotiques voire de lutter contre certains cancers. « Pour des cancers qui sont héréditaires, comme le cancer du sein, on peut imaginer aller corriger ce gène directement dans l’embryon ou bien aller activer le gène responsable de la maladie dans le cas de cancers déclarés », explique Christine Pourcel.

Et sur l’homme ?

Aucun embryon humain manipulé avec cette méthode n’a encore été implanté dans un utérus pour voir le jour. C’est même totalement interdit en France. Mais en janvier 2014, des singes « génétiquement modifiés » avec la méthode Crispr-Cas9 ont vu le jour en Chine.

Une autre équipe de chercheurs chinois a annoncé en avril 2015 avoir utilisé la technique Crispr-Cas9 sur des embryons humains non viables afin de tester son efficacité contre la bêta-thalassémie, une maladie génétique du sang. C’est maintenant une équipe anglaise qui va pouvoir étudier l’effet de l’inactivation de gènes ciblés dans des embryons humains. Précision importante, il s’agit d’embryons non viables issus de fécondations in vitro qui n’ont pas vocation à être implantés dans un utérus. Ces recherches permettront notamment de comprendre l’origine de certains cas d’infertilité.

« Sur les animaux, on sait comment modifier un gène responsable d’un défaut, donc on peut imaginer faire la même chose sur l’homme : par exemple, si on sait comment faire pour que le gène impliqué dans le diabète marche mieux, on peut le réparer dans la cellule-souche, explique Christine Pourcel. Et si on sait modifier l’embryon et le remettre dans une mère porteuse, on pourra avoir un bébé dont le gène sera corrigé. »

Pourquoi la technique fait débat ?

Parce que manipuler le génome humain ouvre la voie à d’immenses espoirs médicaux mais aussi à de possibles utilisations moins vertueuses. « Permettre à une femme porteuse du gène du cancer du sein d’avoir une fille qui n’en sera pas porteuse, c’est un espoir, mais si on commence à autoriser ce genre de modifications, on pourrait tendre à une forme d’eugénisme », estime Christine Pourcel. « Il y a clairement un problème d’éthique qui doit être débattu : pouvons-nous décider de ce que nous gardons ou pas dans le génome humain ? »